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Septembre sans attendre

Analyse du film : Septembre sans attendre (The Other way around)

Date de sortie : 28 août 2024 (France)

Réalisateur : Jonás Trueba

Avec Itsaso AranaVito SanzAndrés Gertrudix

Titre original Volveréis

Présenté à la Quinzaine des Cinéastes à Cannes en 2024, Septembre sans attendre  nous offre une réflexion douce-amère sur la fin d’une relation amoureuse, teintée de mélancolie. 

Jonás Trueba orchestre cette histoire avec une maîtrise et une fluidité remarquables en réitérant sans cesse l’annonce de la séparation pour remettre le couple à l’épreuve de leur amour.

Après quatorze ans de vie commune, Ale réalisatrice, et Alex comédien, décident de mettre un terme à leur histoire. C’est la fin de l’été, on les découvre en train d’évoquer tranquillement leur  séparation. On n’en connaîtra pas les raisons. Le film est centré  autour de l’annonce de leur séparation à  la famille, aux amis, et de façon plus surprenante  au voisin et même au plombier venu déboucher l’évier. Les deux protagonistes  annoncent également la préparation d’une grande fête de rupture, le dernier jour de l’été, en septembre, avec tous leurs proches. Ce sera « comme un mariage mais à l’envers », « une célébration de  la séparation des couples plutôt que leur union »  déclare le père d’Ale. Enchaînant coups de fil et rencontres, seuls ou ensemble, Ale et Alex annoncent leur séparation à leurs familles, leurs amis, leurs collègues. Et se rendent vite compte que l’idée de la fêter ne convainc guère. C’est généralement eux qui se retrouvent à rassurer leurs différents interlocuteurs. « Ale(x) et moi, on va se séparer… Mais ne t’inquiète pas, ça va très bien !” ». Cette phrase, les deux protagonistes ne cessent de la répéter.

Ce film n’est pas un mélodrame avec des disputes classiques. Ce qui pourrait sembler absurde se transforme en une sorte de comédie de remariage. Cette décision devient le point de départ d’une réflexion profonde. La rupture est envisagée comme une occasion de revitaliser leur relation. Ils veulent tenter une expérience. Le film se réinvente et reste toujours surprenant, ses bifurcations du récit ne cessent de nous surprendre.

Face aux différentes répliques, le couple se retrouve souvent uni. Ale et Alex sont de plus en plus partagés à propos de cette décision de séparation, qui les éloigne  mais qui aussi en viendrait presque à les rapprocher à nouveau. À moins qu’Ale et Alex ne trouvent dans l’organisation de cet événement un moyen de redéfinir leur quotidien et de laisser place à leur nostalgie…

Film enthousiasmant, Septembre sans attendre, le huitième long métrage de l’Espagnol Jonás Trueba, est une comédie drolatique qui cache son jeu, dévoilant  peu à peu, une poignante méditation sur le temps qui passe, sur l’amitié, sur l’amour, sur la réinvention de soi, sur ce qu’il reste à sauver, et la manière dont le cinéma peut en rendre compte.

Cinéaste reconnu comme l’héritier de la nouvelle vague, Jonas Trueba explore une voie intimiste et sentimentale, qui fait penser à Rohmer  et qui en fait le plus « français » des cinéastes espagnols.  De facture minimaliste, ce film capte les mouvements intérieurs  et les émotions des  personnages. Il dégage une émotion réelle portée par une belle « trouvaille » de scénario, avec notamment les redites d’expressions qui tournent à des plaisanteries dont l’effet comique repose sur les répétions.

Le cinéma est  aussi au cœur de cette histoire. Ale est réalisatrice, et son film dans le film – pour lequel Alex est acteur – nourrit la réflexion sur le couple et sur la vie elle-même. Les dialogues spontanés, les scènes de vie quotidienne, donnent lieu à des tas d’émotions où la frontière entre réalité et fiction se brouille. Le film ne cesse de brouiller les repères, et l’on se demande si le récit progresse ou s’il ne cesse de se répéter. .

Un autre thème central du film est la répétition. Le film s’interroge sur la routine et sur la volonté de toujours se réinventer. Ce jeu de ressassement du quotidien, le comique de répétition, où les mêmes idées et dialogues reviennent comme un leitmotiv, nous questionne  sur les réelles intentions d’Ale et Alex : s’agit-il d’une nouvelle façon de mieux se retrouver, ou bien encore une totale invention ? Leur famille pense d’ailleurs que tout cela n’est qu’une blague.

Septembre sans attendre est  une comédie brillante, audacieuse et touchante, profondément humaine. La mise en abime est virtuose.

Précisons que le titre espagnol de Septembre sans attendre est Volveréis, c’est-à-dire « vous reviendrez ». 

Philippe Cabrol

#cinema #FestivaldeCannes2024 #festivaldecannes

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