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Le Serment de Pamfir

Analyse du film : Le Serment de Pamfir de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk

Un homme caché derrière un pagne, le visage sous un masque grimaçant. Le Serment de Pamfir s’ouvre sur un plan beau et terrifiant, annonciateur d’une sombre histoire de gangsters, millimétrée, à la photographie impeccable. Le premier long-métrage de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, nous emmène dans l’ouest de l’Ukraine, jusqu’à la frontière avec la Roumanie, une zone méconnue, où sévit la contrebande.

Un village de l’ouest de l’Ukraine, la veille de son carnaval traditionnel. Pamfir rejoint les siens après des mois d’absence. Les liens qui unissent cette famille sont si forts que lorsque Nazar, son fils unique, met le feu à la salle paroissiale locale, Pamfir n’a d’autre choix que de renouer avec son passé trouble afin de réparer l’erreur de son enfant. Il se lance alors dans un trafic risqué qui l’amènera à prendre des décisions aux conséquences irréversibles.

Ce long métrage est tout entier dévolu à son personnage titre, ours bourru et attachant qui tente, malgré la précarité dans laquelle est en train de tomber sa famille, de maintenir «le navire à flot». Pamfir souffre d’être hors la loi, mais il se sacrifie pour que son fils puisse étudier à l’université et profiter d’un avenir meilleur. Scène après scène, le film dévoile l’enchevêtrement des rapports familiaux, les pièges qui s’accumulent, avant que ne se dessine une dangereuse spirale pour Pamfir, entraîné malgré lui dans de nouveaux trafics, pour rembourser des dettes. Ce film, hanté par la tragédie grecque, ménage le suspense jusqu’au dernier plan.

Premier long métrage franco-ukrainien, film superbe, nerveux, truculent, où rythme, image et son créent une atmosphère puissante, Le Serment de Pamfir est un film , à l’image des masques que portent les habitants du village pour les préparatifs du carnaval ancestral, aux mille visages, à la fois drame social sur la déshérence des zones rurales, tragédie familiale sur fond de sacrifice personnel et film de gangster sur la propagation de la violence au sein de cette communauté repliée sur elle-même. Avec de longs plans- séquences évoquant le cinéma de Béla Tarr ou dans une veine plus bruyante et circassienne celui d’ Emir Kusturica, le réalisateur étire ses plans maintenant ses personnages en état d’alerte permanent.

Le Serment de Pamfir est ainsi une réflexion intéressante sur les limites du libre arbitre et l’influence de variables aussi diverses que la corruption, la religion, ou l’honneur familial. Mais le cinéaste évite la tonalité dramatique, optant avec bonheur pour un mélange des genres: chronique familiale, comédie de mœurs, polar, et même tragédie grecque et film de yakuza.

Philippe Cabrol

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