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A Chiara
Analyse du film : A Chiara
Avec A chiara Jonas Carpignano aborde le thème de la mafia ; Il le fait avec le réalisme de son style presque documentaire, mais aussi avec la fraîcheur de l’héroïne qu’il a choisie : Chiara, une ado de 15 ans, accro aux réseaux sociaux et arrachée à sa bulle le jour où elle apprend que son père est en cavale, recherché pour trafic de drogue dans un réseau de la toute-puissante Ndrangheta, la mafia calabraise. Lendemain de fête difficile dans sa bourgade de Calabre pour Chiara, adolescente de seize ans qui voit soudain le destin de sa famille basculer après la célébration de l’anniversaire de sa sœur aînée. Au réveil, son père Claudio a mystérieusement disparu sans laisser aucune trace. Mais, très vite, les premiers indices semblent indiquer que ce dernier a fui une intervention des forces de l’ordre destinée à mettre hors d’état de nuire un tentaculaire clan mafieux. Malgré les menaces et intimidations, Chiara débute sa propre enquête, déterminée à retrouver son père volatilisé, et convaincue qu’il se cache dans les proches environs…Chiara à la fois émotive, bouleversée et déterminée veut comprendre ce qui se passe, or tout le monde se tait. Chiara va défier le mur du silence, la loi de l’omerta. Dans son désir de faire surgir la vérité, la jeune fille exaltée se fait violente, use d’intimidation. Elle qui veut à tout prix retrouver son père pour qu’il lui dise qu’il est innocent ne l’est déjà plus elle-même. À travers Chiara et ses aspirations pures dans un monde corrompu dont elle est le fruit, le film offre un éclairage unique sur la force à double tranchant des liens du sang. Au cocon familial rassurant dont le père est le centre, répond cet autre cercle où il a sa place, dans la famiglia. Or, nous apprend le personnage d’un juge, ce qui soude le pouvoir de la ’Ndrangheta, c’est d’être une mafia dans laquelle on n’entre que par voie héréditaire, dans une relation de parenté impossible à défaire. Remuant ciel et terre pour retrouver la trace de son père fugitif, l’adolescente traverse, en furie, de longues scènes bruyantes et étirées. En contrepoint de ce déchaînement de violence, le sport constitue un vecteur de libération pour la jeune femme : le film se clôt ainsi sur un plan où Chiara atteint la lignée d’arrivée d’une piste d’athlétisme avant de disparaître dans la profondeur de champ, manière assez pesante de signifier qu’elle s’est libérée de son pesant atavisme familial.
Philippe Cabrol