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Deux

Le film à voir cette semaine à la télévision : « Deux »

Mercredi 22 juin à 20h55 sur Arte

ATTENTION : Le thème du film peut vous sembler choquant, mais je vous assure que c’est un beau film bienveillant, sans agressivité.

Un premier long-métrage sincère qui évoque, avec beaucoup de tendresse et de pudeur, la difficulté de vivre son homosexualité quand on a derrière soi une vie familiale des plus conformes, et celle de continuer à s’aimer malgré les affres du vieillissement.

Nina et Madeleine sont profondément amoureuses l’une de l’autre. Aux yeux de tous, elles ne sont que de simples voisines vivant au dernier étage de leur immeuble. Au quotidien, elles vont et viennent entre leurs deux appartements et partagent leurs vies ensemble. Personne ne les connaît vraiment, pas même Anne, la fille attentionnée de Madeleine. Jusqu’au jour où un événement tragique fait tout basculer…

Autant Nina est fougueuse, battante, célibataire, autant Madeleine, mère d’Anne et de Frédéric est douce, mélancolique, souvent hésitante. Portant le poids d’une culpabilité, Madeleine cache à ses enfants le désamour qu’elle éprouve pour leur père disparu et… la passion brûlante qui l’unit à sa voisine de palier. Quand Madeleine n’est pas envahie par sa famille, les deux femmes ont en effet des habitudes bien à elles : les portes de leurs appartements respectifs sont grandes ouvertes et l’amour circule. Pour autant, un jour, ce bonheur sans nuage s’effondre…

Ce film est rempli de pudeur et de simplicité pour décrire ce couple pas comme les autres. Deux est autant un film sur l’amour entre deux femmes que sur le vieillissement et la maladie que connaissent tous les couples à un moment de leur histoire. Le réalisateur, Filippo Meneghetti, traite d’un sujet rarement évoqué au cinéma. Il raconte le destin de Madeleine, qui a été mariée, a perdu son mari et a donné naissance à deux enfants. Une vie de famille »classique », sinon qu’elle est homosexuelle et hantée par la culpabilité.

Deux, avec sa justesse et sa bienveillance, arrive à disséquer les errements familiaux et la culpabilité d’être soi-même tout en restant concentré sur l’amour et la passion de ces deux femmes. Alors qu’elle décide enfin de le dire à sa famille et de tout plaquer pour aller s’installer à Rome avec Nina, Madeleine semble hésiter, courbe l’échine et se tait par peur de blesser ses enfants et d’avouer son homosexualité.

Dans ce film, il y a « un avant et « un après ». Le réalisateur s’emploie à orchestrer en toute intimité l’immense fossé entre la complicité tendre qui règne au sein du couple de Nina et de Madeleine et les rapports de force infiniment plus froids et cruels qui s’exercent sur lui depuis le monde extérieur. Au fur et à mesure qu’elle perd l’emprise sur Madeleine, condamnée à un mutisme forcé, Nina devra appliquer ruses et dispositifs de chantage. Elle sera obligée d’endosser le rôle du méchant, si elle ne veut pas perdre celle qu’elle aime.

Avec de beaux dialogues, beaucoup d’attention sur les visages, une grande délicatesse, des paroles tues et réfrénées, Deux est le récit intime d’un amour qui se vit dans l’ombre. Dans Deux, il n’est pas question de militantisme et d’affirmation décomplexée, mais plutôt d’un jardin secret à cultiver en toute discrétion.

Philippe Cabrol

https://chretiensetcultures.fr