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Trois jours et une vie

Film à voir à la télé : Trois jours et une vie

Mercredi 22 mars 2023, Arte 20h55

Dans Trois jours et une vie, Nicolas Boukhrief met en images les mots de Pierre Lemaitre et compose une œuvre double, entre étude psychologique et polar cinéphile.

Dès le prologue, il suffit à Boukhrief de quelques secondes pour restituer l’ambiance lourde et étouffante du roman, tirant profit, à chaque plan, de son incroyable décor brumeux et isolé. Cette introduction posée, le film peut alors mettre en place lentement son petit microcosme. Épousant le point de vue d’Antoine, jeune garçon de 12 ans, le réalisateur choisit de construire son personnage en regard du monde qui l’entoure.

« La fenêtre, en province, remplace le théâtre et les promenades ». Sans volet ni double vitrage, Trois jours et une vie n’a rien du rideau occultant et semble ainsi faire de la citation de Flaubert sa devise de principe : la fenêtre, devenue écran de cinéma, nous invite désormais à contempler tourments intimes et trauma communautaire dans une œuvre où le village constitue un personnage à part entière. Adapté du roman de Pierre Lemaitre, Trois jours et une vie s’impose ainsi comme un film éprouvé au travers du regard de son personnage principal Antoine, un garçon coupable du meurtre accidentel de son jeune voisin Rémy lors d’une excursion en forêt. Le secret sera alors enfoui derrière la porte. Ce n’est pas tant le meurtre qui importe mais bien le paysage psychologique de cette communauté en crise. L’ouverture en témoigne : dans un enchaînement de plans fixes, la caméra capte d’abord une vue d’ensemble, le grand, l’invisible, la surface avant de se concentrer sur l’humain, son village et sa foule compacte ; la nature brumeuse laisse ainsi progressivement place à cette entité unique et indivisible, unifiée par la disparition d’un enfant.

L’identité du coupable, le spectateur la découvrira vite après que des signes de malheur se soient pointés à l’horizon, surtout la mort d’un chien, frappé par une voiture, achevé par son maître remarquable). Une battue des moments tragiques à l’église, une enquête sur le terrain seront interrompus par une tempête aux terribles crues qui détruira une partie d’Olloy et des bois environnants, en laissant les énigmes irrésolues durant maintes années. Devenu jeune médecin, Antoine se verra plus tard confronté au passé.

Le film de Nicolas Boukhrief se rapproche en effet des œuvres de Duvivier ou Decoin, Clouzot ou Chabrol et fait écho à un certain cinéma français « classique » dans une sorte de rencontre atmosphérique entre Le Boucher  et Le Corbeau.

Trois jours et une vie se révèle un film troublant, en général bien joué, bien réalisé et monté, mais sans la tension extrême qui en aurait fait une œuvre tout à fait percutante.

Puisque Trois jours et une vie pose un cas de conscience, une question de mise à l’épreuve du tourment face au temps : comment (sur)vivre en se sachant meurtrier par accident ? Sans jamais juger ses personnages ou poser de morale préconçue, le film préfère interroger le spectateur face à cette éternelle question : ‘’Qu’aurais-je fait dans cette situation ? ‘’. Il faudra patienter jusqu’au dernier plan du film pour avoir au moins la certitude que face à ses actes, on se retrouve souvent seul et qu’il n’est pas de pire prison que celle qu’on se construit soi-même…

Philippe Cabrol

https://chretiensetcultures.fr