Login

Lost your password?
Don't have an account? Sign Up

Le Principal

Analyse du film : Le Principal

Réalisateur : Chad Chenouga

Genre : drame ; Nationalité : France

Distribution : Roschdy Zem, Yolande Moreau, Marina Hands, Hedi Bouchenafa, Jibril Bhira

Durée : 1h22 mn ; Sortie : 10 mai 2023

Avec Le Principal, inspiré d’une histoire vraie, Chad Chenouga met en place le cadre idéal pour montrer la chute inexorable de son héros : celle d’un homme qui avait tout pour réussir mais qui s’enferme dans son mensonge. Le Principal explore donc la thématique du mensonge et les conséquences qui en découlent, ainsi que les choix moraux qui nous engagent.

Sabri Lahlali, principal adjoint d’un collège, est un exemple de réussite. Issu des quartiers populaires, il a réussi une véritable ascension sociale. À force de travail, il va obtenir une mutation bien méritée et tant convoitée. Il rêve aussi d’un lycée prestigieux pour son fils, qui va bientôt passer le brevet. Alors, pour sécuriser le dossier scolaire de son fils Naël, Sabri va, pour la première fois, commettre une faute qui pourrait briser sa carrière.

Sabri incarne la méritocratie au sein de l’Education nationale. Il est pour le respect des grands principes de l’Education nationale. Il est intransigeant avec les élèves turbulents de son établissement qui ont appris à respecter cet homme aussi sévère que juste. Mais il est aussi prêt à les soutenir et les aider.

Père divorcé, dont l’ex-épouse travaille dans le collège qu’il dirige, Sabri fait preuve de la même rigueur avec son fils, collégien dans son établissement scolaire. Il doit veiller sur son frère Saïd, psychologiquement fragile. Il ne semble pas avoir d’amis, ses relations avec ses collègues de travail sont tendues. C’est un homme froid, peu sociable et antipathique, mais passionné par la littérature. Il partage cette passion avec sa supérieure hiérarchique, une femme attentive et bienveillante, mais solitaire et qui voit en Sabri, un fils spirituel. A propos de son film, Chad Chenouga déclare « je me suis évidemment inspiré de ma propre histoire. Orphelin assez jeune avec un frère fragile, j’ai dû travailler bien plus, en éprouvant du plaisir à vouloir tout apprendre, notamment par les livres. Le savoir et la connaissance m’ont sauvé de la vie difficile dans laquelle j’étais plongé. »

Cependant, Sabri va vivre une faille profonde, celle du « syndrome de l’imposteur ». Ce principal irréprochable va commettre une faute pour venir en aide à son fils et il va mentir. Par ce mensonge, Sabri se trouve plongé dans une sphère de l’enfermement avec sa supérieure, qui lui dira au moment où ce principal est très fragile « J’ai inventé un Sabri qui n’existe pas », avec son ex-femme, avec son frère Saïd et avec Naël, son fils. Cette faute compromet son avenir professionnel et, surtout, entraîne son fils dans un conflit de loyauté. Si en règle générale, on valorise le fait d’être un transfuge de classe, qui s’élève socialement, n’oublions pas l’angoisse de la légitimité. A-t-il droit à la réussite ? Gravir l’échelle sociale ne reviendrait-t-il pas à trahir sa famille et ses proches ?

Les failles de Sabri sont mises au jour par deux personnages : son frère, qui resté dans leur cité de jeunesse, et sa directrice. Ce sont les scènes avec ces deux personnages qui sont les plus touchantes : Les scènes entre la principale en fin de carrière et son disciple, où l’amour partagé de la littérature dissimule autant d’admiration réciproque que de mal-être, et la séquence où les deux frères jouent au ni oui, ni non, devant la tombe de leur mère. « J’ai longtemps été le tuteur légal de mon frère fragile. Très souvent lorsque j’allais sur la tombe de ma mère au cimetière de Montmartre, mon frère me faisait le coup de me faire rire, pour nous réconforter très probablement » dit le réalisateur. Dans le film Sabri ne sourit vraiment qu’avec son frère pendant le jeu du ni oui ni non.

Le principal se révèle juste dans sa description de la vie scolaire et dans le portrait d’un transfuge de classe qui a tout fait pour fuir son milieu d’origine mais qui, par un acte absurde, s’empêche inconsciemment de réussir. Chad Chenouga mêle des éléments de son parcours personnel à des faits réels pour développer des thèmes tels que la méritocratie, l’intégration et la soif d’excellence, à travers le portrait d’un homme prêt à toutes les compromissions pour préserver son statut et offrir le meilleur à son fils. Le Principal poser les bonnes questions en nous offrant un personnage très complexe, emprisonné dans sa solitude et arrivant à un point de non- retour.

Philippe Cabrol

https://chretiensetcultures.fr