Vincent doit mourir
Analyse du film : Vincent doit mourir de Stéphan Castang
Pour son premier long-métrage, Stéphan Castang frappe les esprits. Créatif dans une agence de com’ lyonnaise, célibataire, ultra-connecté, Vincent est un graphiste patient et sympathique. Au début du film, il fait une blague maladroite à son stagiaire, puis s’excuse aussitôt. Quelques moments plus tard, le stagiaire en question le frappe violemment au visage avec son ordinateur portable. L’incident ressemble à un règlement de comptes, sauf que le lendemain, un autre collègue poignarde la main de Vincent. Alors que les agressions insensées se multiplient, Vincent comprend qu’il est victime d’un étrange phénomène: toutes les personnes dont il croise le regard ont subitement envie de le tuer.
Vincent, c’est un monsieur tout-le-monde, qui a une vie des plus normales à Lyon. Un jour, son quotidien bascule dans la violence et la terreur sans qu’il en comprenne les raisons. Il devient aux yeux de tous, la cible à exterminer. Stéphan Castang nous plonge alors dans un monde pré-apocalyptique qui va annoncer le chaos le plus total.
Vincent doit mourir parle avant tout de notre société et de notre rapport à la violence. Dans ce long métrage, on peut affirmer qu’elle est partout : au coin de la rue, dans un quartier voisin ou dans un pays proche… Elle est aussi mondiale et à la portée de tous, sur les réseaux sociaux, au cinéma, à la télévision… Elle gangrène parfois les esprits. Et on a tendance à se sentir en insécurité constante dans un monde où la notion de solidarité et d’humanité perd tout son sens… Mais la violence n’est pas forcément une brutalité physique. Le film nous rappelle qu’elle peut aussi être psychologique. Vincent subit frontalement cette discrimination, ce rejet, parce qu’il inquiète!
Les nombreuses attaques dont Vincent est victime sont aussi arbitraires que celles des Oiseaux dans le film de Hitchcock, une des nombreuses références d’un film à la croisée des genres. On pense aussi à After Hours de Scorsese. Stéphan Castang choisit de narrer l’errance de Vincent à la manière d’un cauchemar pré-apocalyptique pour exprimer notre rapport altéré aux autres et notre angoisse de l’altérité.
A propos de son film, le réalisateur déclare : « Vincent n’est ni sympathique ni antipathique mais il est plutôt content de lui. Il pense être à sa place et, tout au long du film, il va être déplacé. Assez vite, il se retrouve face à un étrange phénomène. Ce qui me plaisait, c’est qu’il réagit sans psychologie, à la manière d’un personnage burlesque ». «J’avais notamment en tête un corps maltraité. C’est aussi ça mon film : un corps maltraité qui en rencontre un autre. Ensemble, ils vont apprendre à se consoler. »
Vincent doit mourir est un film complètement chaotique ou apocalyptique dans le sens où la violence et la barbarie règnent tout au long du récit. Mais c’est aussi un film fantastique parce qu’il travaille sur les effets d’un regard. Ainsi le film se déroule à la manière d’un huis-clos, puisque le personnage principal passe par les divers lieux de son enfermement.
Le film, comédie noire, alterne ainsi, de par un montage très maîtrisé, entre le survival, le thriller et le film de genre dans lequel un seul personnage féminin, Margot « qui doit vivre » vient apporter un peu d’humanité.
Philippe Cabrol