L’Amour ouf
Analyse du film : L’Amour ouf
Réalisateur : Gilles Lellouche Acteurs : Adèle Exarchopoulos, François Civil, Raphaël Quenard, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacote, Jean-Pascal Zidi, Mallory Wanecque, Malik Frikah Durée : 2h40
Grâce au succès du Grand bain, sa précédente réalisation (plus de 4 millions d’entrées) Gilles Lellouche s’offre, six ans plus tard, un rêve de cinéma « XXL » (37,5 millions d’euros de budget) avec une histoire d’amour romantique.
Le projet est ambitieux, ce n’est un secret pour personne: Gilles Lellouche a depuis toujours une passion pour le cinéma populaire américain, celui de Brian de Palma, de Coppola, de Sidney Lumet… Quand, en 2006, sur les conseils de Benoît Poelvoorde, il lit L’Amour ouf de Neville Thompson, il a l’impression que cette histoire d’amour dingue qui s’étale sur vingt ans entre deux ados écorchés-vifs qui deviennent adultes a été écrite pour lui. Pour réaliser ce film, comme il l’a rêvé, violent, musical, fiévreuse, sentimental, romantique, spectaculaire, il a attendu presque 20 ans.
L’action se situe dans les années 1980 dans le nord de la France. Jackie rencontre Clotaire à la sortie du lycée. Elle est orpheline de mère, elle vit seule avec un père « vieux jeu ». Elle prend ses études et son avenir au sérieux. Quant à lui, « Graine de voyou », il file du mauvais coton, il jouer les rebelles et traîne avec des types louches. Entre eux, c’est l’amour fou, « L’amour ouf » ! Mais bientôt un chef de gang prend Clotaire sous son aile. Lorsqu’un braquage dérape, Clotaire est condamné à dix ans de prison. À sa sortie, Jackie a refait sa vie, elle a épousé un bourgeois qu’elle n’aime pas, et ce pour échapper à la spirale criminelle de l’homme de sa vie. Clotaire tente de la retrouver tout en cherchant à se venger de ceux qui l’ont trahi. Ils sont tous les deux sont comme les deux ventricules d’un même cœur.
Gilles Lellouche va suivre l’évolution de ce couple pendant deux décennies. Le film est construit en deux parties distinctes, séparées par une ellipse.
Sur fond de déterminisme social, ce récit initiatique suit la trajectoire de personnages qui passent de l’adolescence à l’âge adulte, au cœur d’un environnement sociologique marqué par la lutte des classes et la violence. L’Amour ouf connecte le style d’un polar américain (pour son côté mafieux nerveux) à celui d’un film d’auteur français (pour son portrait d’une adolescence fragile) empreint de nostalgie tout en étant connecté à son époque (les relations hommes-femmes, la déconstruction de la masculinité toxique…).
Gilles Lellouche mélange les genres, passant de la comédie romantique au cinéma d’action et au film de gangsters On est à la fois dans La La Land et Reservoir dogs. Stylisé, très musical (recourant à une bande-son nourrie de hits des années 1970-80), le film utilise split screens, panoramiques accélérés, et recours à des filtres rouges et verts. Le cinéaste accumule les références de Martin Scorsese (dans les séquences de violence) à Jacques Demy (dans un final musical inattendu).
Sur le modèle des fresques de Martin Scorsese (Les Affranchis où Lellouche rejoue justement, par un long travelling au steadicam dans une boîte de nuit, la fameuse séquence où Henry Hill se faufilait par les coulisses à l’intérieur du club Copacabana ) ou Paul Thomas Anderson (Magnolia), chaque séquence marquante de L’Amour ouf est soutenue par des tubes de The Cure (A Forest), Billy Idol (Eyes Without A Face) ou encore Prince (Nothing Compares 2 U), Daft Punk (Rock ‘n Roll) et Deep Purple (Child in Time).
A Cannes où il avait été sélectionné pour la compétition officielle, L’Amour ouf, malgré une ovation du public de près de 20 minutes à l’issue de sa projection officielle, avait déçu la critique. Pour sa sortie en salles, la tendance s’est inversée : il est devenu le film le plus attendu de cet automne.
«Je voulais contrarier les histoires de voyous qui souvent sont dépourvues de nuances. Le film de voyous reste un film de voyous, une comédie romantique reste une comédie romantique. La fusion de ces deux genres est assez improbable, mais j’ai toujours été attiré par le mélange des genres… J’ai vraiment voulu traduire cette dynamique de chaud-froid. Et si je devais la définir, je dirais que c’est une histoire d’amour à la fois musicale et violente » déclare Gilles Lellouche.
Soutenu par un rythme frénétique qui accumule les séquences fortes pour donner corps à ce tourbillon de la vie, se cache une grande sensibilité où se mélangent les genres, spectaculaire et intime, comme on en voit peu dans la production française. L’Amour ouf porte résolument bien son titre !
L’Amour ouf, film hybride sera-t-il le film d’une génération ? C’est ce que souhaite Alain Attal, le producteur.
Malgré quelques longueurs et pour « un résultat mi-ouf », ce film ne vous laissera pas indifférent. Certes ce n’est pas une œuvre marquante, mais un film sincère, avec des moments de grâce et des performances d’acteurs assez remarquables.
Philippe Cabrol
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