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L’Attachement

Analyse du film : L’ATTACHEMENT

19 février 2025 en salle | 1h 45min | Drame

De Carine Tardieu | Par Carine Tardieu, Raphaële Moussafir

Avec : Valeria Bruni Tedeschi, Pio Marmaï, Vimala Pons

Les liens du cœur et les liens du sang s’entremêlent merveilleusement dans L’attachement de Catherine Tardieu, adapté du roman « L’intimité » (2020), d’Alice Ferney.

Présenté, en sélection officielle dans la compétition Orizzonti de la 81e Mostra de Venise en septembre dernier, L’Attachement raconte le décès tragique d’une mère lors de l’accouchement de son deuxième enfant, le combat d’un père pour se reconstruire et le soutien d’une voisine célibataire, qui va l’aider à relever la tête, pour ses enfants.

La rencontre au cinéma entre deux personnages et la naissance du lien qui va les unir est toujours un moment de cinéma émouvant, et ce d’autant plus quand il s’agit d’un adulte et d’un enfant, non liés par les liens du sang. Toute la filmographie de Carine Tardieu est traversée par cette idée du lien. Film après film, elle s’aventure de plus en plus sur ce terrain qu’est l’apprivoisement réciproque puis l’amour profond et pur entre deux êtres. Dans son nouveau long métrage L’attachement, cette relation se vit entre un enfant de cinq ans, et une femme indépendante.

Sandra, libraire, quinquagénaire, célibataire endurcie et féministe convaincue, voit sa vie bouleversée lorsqu’elle se retrouve, par un enchaînement de circonstances, à partager malgré elle le quotidien de son voisin de palier et de ses deux enfants. Ce voisin, récemment veuf et dépassé par sa nouvelle réalité, essaie de retrouver un équilibre familial. Au fil des jours, des gestes et des moments partagés, Sandra découvre en elle des sentiments inattendus. Peu à peu, elle s’attache à cette famille, devenant une figure essentielle dans leur reconstruction.

Tout commence par une sonnerie avant l’aube à la porte de Sandra, voisine de palier de Cécile qui a perdu les eaux et doit aller à la maternité avec son compagnon Alex. Sandra va devoir garder le fils aîné de Céline Elliot âgé de cinq ans. Pour la libraire, la compagnie d’un enfant est une contrainte.

Structuré en douze chapitres, le film est ellipsé avec des cartons de l’âge de Lucille. Cette technique permet de faire s’entrecroiser un nombre important de personnages, de passer d’un moment à l’autre dans l’histoire de chacun et surtout, comme la naissance de la petite fille coïncide avec la mort de sa mère, de rythmer les étapes du deuil que doit traverser Alex. Chaque événement de la vie de Lucille, de sa naissance à ses deux ans, permet une avancée irréversible du temps qui passe. Et cette irréversibilité raconte la force de l’attachement entre Sandra et Elliott. Car très vite un dialogue stimulant se noue entre cette femme et l’enfant, la mort de Céline ayant créé une énorme béance chez Elliot et chez Alex.

Attachement : entre Sandra et Elliot. L’attachement d‘Elliot pour Sandra est vital car il se retrouve seul, avec un père peu stable et un beau-père qui s’occupe de lui mais qui est pris dans son propre deuil. Elliot s’attache donc à Sandra qui a pourtant tout pour ne pas être une bonne mère car à priori elle ne s’intéresse pas du tout aux enfants. « Je suis juste la voisine », « je suis seulement celle qui était là. » dit-elle dans le film. Mais pour Elliot, s’attacher à Sandra, c’est aussi une manière de ne pas trahir sa propre mère, celle qu’il a aimée et qui est morte. Pour Elliot, c’est le besoin d’être écouté, rassuré, entouré de tendresse, d’attentions, de sécurité. Quant à Sandra, elle s’attache au petit garçon sur une impulsion car elle sent bien qu’Elliot a besoin d’elle. Elle lui ouvre grand le cœur et les bras. Il est particulièrement attachant car il a du répondant, il est spontané, drôle, unique et curieux de la vie.

Sandra est ébranlée par l’affection que lui porte ce petit garçon. Leur attachement va se tisser comme une certitude, comme un instinct.

Attachement entre Sandra et Alex. Leur attachement est en évolution perpétuelle. Leur séparation au milieu du film par nécessité et par l’irruption d’Emilia ne contribue-t-il pas aussi à la construction de leur attachement? Est-il une voie possible pour une histoire d’amour entre eux ?

Ce sont durant tout le long métrage des liens qui se font, se défont, se refont. Au cœur de ces recompositions affectives, deux personnages principaux féminins sont au centre : Sandra et Emilia qu’Alex rencontre lors d’une visite chez cette jeune femme médecin, avec laquelle il va nouer une relation amoureuse.

Carine Tardieu questionne les rapports humains dans des situations particulières avec bienveillance et humanité. Le film aborde une multitude de simples sujets familiers: le deuil, l’amour, la culpabilité, la maladresse, la générosité, le sacrifice, les sentiments impulsifs et la passivité, le rapport à la maternité et à la paternité, le couple et le célibat, la place des uns par rapport aux autres,… « Une vaste ode aux choses de la vie ». Ce film montre également un type de relation au cinéma: celui d’une solidarité amicale qui fonctionne à double sens.

La mise en scène et les dialogues nous touchent, montrent l’évolution des sentiments et des émotions, révèlent les faiblesses mais aussi les moments lumineux de la vie, à travers ces personnages cabossés et tellement humains

Valeria Bruni-Tedeschi est magnifique dans un rôle qu’elle empoigne de tout son talent. Son personnage infuse une variété de nuances incroyable pour une des plus belles prestations de la comédienne. On lit toute la tristesse du monde sur le visage de Pio Marmaï dans un de ses meilleurs rôles qu’il sublime. Raphael Quenard et Vimala Pons changent des registres dans lesquels ils excellent habituellement et sont impressionnants. Concernant Raphaël Quenard, son expressivité débordante est ici canalisée au service de son personnage. Le film révèle également un tout jeune acteur, doté d’un naturel impressionnant, César Botti dans le rôle d’Elliot. Sa relation avec le personnage de Sandra est déchirante.

Film généreux, touchant, délicat, émouvant, vibrant, film qui montre la vie dans ce qu’elle a de plus beau et de plus triste à la fois, film qui dit l’humanisme bienveillant en décrivant les êtres humains tels qu’ils sont. « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour » écrivait Pierre Reverdy. L’Attachement le démontre bien.

Philippe Cabrol

#analysesdefilms

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