
I’m your man
Analyse du film : I’m your man de Maria Schrader
Et si l’homme idéal était un robot calibré suivant nos désirs ? L’impact des nouvelles technologies sur les relations sentimentales se retrouvent dans trois films qui sortent sur les écrans: L’homme parfait de Xavier Durringer qui met en scène un robot programmé pour combler les désirs d’une femme. Avec After Yang, présenté à Un certain regard Cannes 2021, dans un futur proche, chaque foyer possède un androïde domestique, appelé « techno-sapiens ». Dans la famille de Jake, il s’appelle Yang, et veille plus particulièrement sur la jeune Mika, assurant pour cette petite fille adoptée d’origine chinoise, un rôle de tuteur, d’ami, de confident. Aussi, le jour où Yang tombe en panne, Jake met toute sa vie en pause pour tenter de le réparer. Le troisième film est I’m your man , dont vous trouvrez une analyse ci-dessous.
Dans le salon d’un cabaret, Alma, brillante scientifique , fait la connaissance de Tom, un robot dont l’enveloppe imite remarquablement un être humain. Tom est un robot à l’apparence humaine parfaite, spécialement programmé pour correspondre à la définition de l’homme idéal pour Alma.Capable de répondre à toutes ses questions en un temps record, il lui paraît cependant ridicule lorsqu’il lui lance un compliment qu’elle juge ringard (« tes yeux sont deux lacs alpins… »). Mais son patron, fasciné, insiste pour qu’elle remette un rapport détaillé sur cet humanoïde. Devant ainsi le tester pendant trois semaines, elle l’accueille chez elle, aidée par l’assistante de la société qui l’a créé.
Le film s’ouvre sur une réjouissante scène de bal qui plonge Alma dans un monde trop beau pour être vrai. Et pour cause : la plupart des danseurs sont des robots ou, plus économique, des hologrammes. Tom est charmant et passe haut la main les tests d’Alma : il connaît Rainer Maria Rilke par cœur, répond à ses questions métaphysiques. Son existence ne doit servir qu’un seul but : rendre Alma heureuse.
Si la présence d’un androïde dans I’m your man sert de prétexte pour sonder les failles d’une société individualisée et déshumanisée, elle permet également de jouer des disparités des deux protagonistes principaux.I’m your man soulève plusieurs interrogations qui s’enracinent de plus en plus dans notre société. Il questionne l’être dans sa superficialité, dans la recherche de l’autre et de la perfection. Le film ne prend jamais réellement position et ne cherche pas à juger son protagoniste principal dans ses choix. Le film se concentre sur l’évolution des sentiments – mêlés – d’Alma pour Tom, partenaire rêvé qu’elle refuse d’abord mais dont la bienveillance et la ténacité finissent par la troubler. Alma est un exemple d’indépendance, elle n’est ni satisfaite, ni heureuse. Elle ne veut pas ouvrir son cœur parce que Tom a été régler pour le faire battre, elle veut comprendre ce qui se joue entre eux. Chaque spectateur est libre de voir dans cette romance futuriste un sujet de réflexion, une métaphore, une fable morale…
On s’amuse aussi des clichés projetés sur le personnage féminin par ce supposé «homme idéal», notamment en terme de romantisme. Mais en fond se dessine intelligemment un contexte assez douloureux pour cette femme seule, devant s’occuper d’un père râleur qui perd son autonomie et tentant de faire bonne figure face à son ex qui, lui, a reconstruit sa vie. Le scénario surprend ainsi en amenant un curieux équilibre, entre une bonne dose d’émotion, un humour discret , et quelques jolis élans poétiques.
Sur fond d’intelligence artificielle, la réalisatrice met en perspective l’essence de l’humanité, l’essence du bonheur, l’essence de la vie même, en confrontant l’homme/la femme et la machine. Qu’y a-t-il de mal à se faire du bien? Qu’y a-t-il de bien à simuler une vie heureuse avec un robot? Que reste-t-il de l’amour quand tous nos désirs, et plus, peuvent être assouvis? Voici quelques questions qu’Alma se pose durant toute son expérience. La profondeur de leur relation est crédible et belle, et pourrait aussi bien s’appliquer à deux humains entre eux.
I’m your man a bien sûr des allures de comédie: les quiproquos, les maladresses de l’une vis-à-vis de l’autre, et vice versa. Mais le film est surtout truffé de moments de gravité, de tristesse même, et également de poésie, inattendue dans le contexte.
Sans renoncer à l’humour, I’m your man est une réflexion sur l’être humain et sur le bonheur.
Philippe Cabrol