Everything, Everywhere All that Once
Analyse du film : Everything, Everywhere All that Once de Daniel Scheinert et Daniel Kwan.
Au sein de la sphère des passionné.es, Everything Everywhere All that Once est dans toutes les bouches depuis plusieurs mois. Sorti le 25 mai dernier aux États-Unis, le film a totalisé près de 70 millions de dollars sur le territoire, et approche des 100 millions à travers le monde. Certes, rien de comparable à un Marvel, mais à sa propre échelle, c’est un véritable exploit qui a intrigué et dont la renommée n’a eu de cesse de grandir à l’aube de sa sortie française.
Evelyn Wang, une sino-américaine quinquagénaire, n’a plus aucun contrôle sur sa vie. Elle est empêtrée dans les impôts, sa fille qu’elle ne comprend plus lui présente sa copine, elle doit gérer son père venu de Chine et son mari lui demande le divorce. C’est à cet instant qu’elle se retrouve mêlée au multivers afin d’y affronter une force obscure. Alors qu’elle observe toutes les vies qu’elle aurait pu mener, elle doit sauver le monde et tenter de préserver sa famille.
Everything Everywhere All that Once est une chronique familiale, un film de science-fiction teinté d’arts-martiaux, une comédie absurde, un film noir américain, un film de gangsters, un film sur la maffia,… C’est une œuvre si riche, si extravagante, si farfelue, qu’elle en devient indéfinissable. Elle mélange un nombre impressionnant de genres pour se livrer à tous les délires qui sont passés par la tête de ses auteurs et qui les autorise à un mélange des genres sans retenue. Mille idées s’enchaînent à la minute, d’une trouvaille de montage à une réplique absurde en passant par un gag délirant, le tout au sein d’images qui ne cessent de changer de format.
En ne se privant de rien, le film se dessine comme une jonction de toutes les inspirations, allant de Matrix à 2001, L’Odyssée de l’espace en passant par The Mask, In the mood for love, tout en rendant hommage au style Wu Tang (catégorie de films d’arts-martiaux chinois). Plus qu’un long-métrage, on est face à une expérience de ce qu’autorise le cinéma à la fois en termes de mise en scène – le montage éclaté, l’utilisation d’un environnement comme croisement des genres – et en termes de narration avec la mise en pratique des mondes parallèles
Une expérience qu’il est difficile d’analyser tant le métrage ne nous laisse jamais le temps de respirer. On est dans « un tambour de machine à laver qui ne nous recrachera qu’à la toute fin ». On ne saisit pas tout, on ne comprend pas tout au milieu d’une foule d’informations de ce film assurément grisant, volontairement épuisant.
OFNI (objet filminique non identifié) et film le plus fou de l’année, Everything Everywhere All that Once prend la forme d’un pot-pourri pop culturel toujours déférent et respectueux de ses modèles.
Everything Everywhere All that Once fait partie de ces types de films à la proposition de cinéma étonnante. La configuration narrative morcelée du long-métrage parait être totalement singulière, puisque le récit se situe dans cinq à six espace-temps différents interconnectés – le fameux « Multivers » –.
Les deux réalisateurs et scénaristes organisent avec une rigueur mathématique les différents embranchements des univers qu’ils explorent. Chapitré en trois parties, le film se résume à un graphique: la première partie Everything est tout en verticalité, puisque Evelyn prend conscience du multivers et l’exploite selon des règles établis pour survivre à ses ennemis. La deuxième partie, Everywhere, consacre son temps à expliciter les conséquences directes des choix du protagoniste de tous les univers et leur donner une autonomie émotionnelle. Enfin, All that Once évoque l’harmonie, la diagonale équidistante entre abscisse et ordonnée, la voie de la paix avec soi-même au sein de toutes les configurations choisies par Evelyn.
Philippe Cabrol