Hors-saison
Analyse du film : Hors-saison de Stéphane Brizé
20 mars 2024 en salle | 1h 46min | Comédie, Comédie dramatique, Drame
De Stéphane Brizé | Par Stéphane Brizé, Marie Drucker
Avec Guillaume Canet, Alba Rohrwacher, Sharif Andoura
Quand on parle du réalisateur Stéphane Brizé, on pense inévitablement à sa trilogie sur le monde du travail avec en 2015 La loi du marché, En guerre en 2018 et Un autre monde en 2021 avec Vincent Lindon comme acteur principal dans ces trois films. Stéphane Brizé, à ses débuts, a réalisé des films d’amour déchirants, comme Je ne suis pas là pour être aimé ou Mademoiselle Chambon. Avec son nouveau film, il renoue avec les origines de son cinéma. Tout en retenue et en intériorité, son Hors-saison est un petit bijou de délicatesse et de nostalgie.
Mathieu a cinquante ans et une carrière d’acteur accomplie. Mais il est fatigué de tout et surtout de lui-même. Il est sur le point de tomber en dépression. Au téléphone, sa femme ne lui parle que de ses prochains rôles, de sa carrière et lui renvoie l’idée que son temps de travail lui est compté. Proche d’un burn-out, il s’énerve pour peu de choses, a du mal à se concentrer sur la lecture de ses futurs scénarios, il décide de faire une pause dans une petite ville de l’ouest de la France où il dilue son mal-être dans les bains à remous d’une thalasso. Mais rien n’arrive à détendre Mathieu. Et puis, un jour, il trouve une lettre à la réception. C’est Alice, son amoureuse italienne d’il y a quinze ans, qu’il avait quittée. Elle vit dans la région et aimerait bien le voir. Il accepte. Professeure de piano, Alice a refait sa vie, elle est mariée et a un enfant. Mais elle promène toujours dans sa vie le son sourire pudique et son vague à l’âme qui avaient tant séduit Mathieu lors de leur rencontre. Ils ne se sont jamais revus. La vie a passé, les enfants sont nés, les rides se sont creusées, les souvenirs se sont adoucis et peut-être aussi les regrets. Leurs chemins se sont séparés, ils vivent dans deux mondes bien différents, mais ils ont en commun le doute. Alice et Mathieu renouent timidement un dialogue qui, au fil des jours, devient de plus en plus intime et intense. Cependant ces retrouvailles les déstabilisent, provoquent des larmes, de la colère mais aussi de la tendresse. Entre Alice et Matthieu les souvenirs remontent : ceux de leurs instants de bonheur, mais aussi, pour elle, celui de sa déchirure (inguérissable) quand il l’a quittée. Ils vont se revoir, se laisser de nouveau aller au vertige irrépressible d’une nouvelle liaison
On aurait pu penser que Stéphane Brizé nous rejoue un chabadabada à la Claude Lelouch avec Un homme, une femme et l’inlassable ressac des vagues. Le film fait plutôt penser par moments au cinéma de Claude Sautet, avec ses histoires d’amour, de désillusions, et de choix de vie.
Hors-saison semble marquer une double rupture dans la filmographie de Stéphane Brizé. Après l’analyse du monde du travail, dont il s’était efforcé de dépeindre les dérives dans sa récente trilogie sociale, il réalise un film tout en intériorité. Hors-saison n’a rien d’un conte d’été, ni d’une tragédie hivernale. C’est une chronique automnale, film sur la nécessité de réparer certaines choses, mais aussi de savoir respecter les choix de l’autre et de regarder la vérité en face
Le film est construit en contrastes : d’un côté le monde aseptisé de la thalasso, un monde sans affect, qui fait écho à la vie bien réglée, mécanique, et centrée sur l’efficacité de Mathieu. De l’autre côté, nous découvrons le monde d’Alice moins efficace, mais plein de surprises, contrastent avec la douceur de sa vie familiale, intérieure, chaleureuse et apaisée. Les plans sont plutôt larges et fixes, au début du film. Quand Mathieu personnage de Mathieu apparaît erre dans le centre de thalasso, dans le palace il fait penser presque comme un clown à la Jacques Tati. Puis les cadres se resserrent peu à peu sur les deux protagonistes, et leurs rapprochements, les couleurs se réchauffent, aussi.
Avec élégance, entre drame et comédie, Hors-saison questionne nos histoires d’amour passées de façon contemplative et intimiste. La musique, signée par Vincent Delerm est particulièrement inspirée, elle accompagne le film à la perfection, ajoute à la mélancolie de ces images de vagues et de bord de mer en automne mais transporte aussi l’énergie et la chaleur d’Alice et de Mathieu.
Philippe Cabrol