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Mickey 17

Analyse du film : MICKEY 17 de BONG JOON-HO

Avec Parasite, Bong Joon-ho avait livré une critique tranchante du capitalisme et de la lutte des classes, où l’ascension sociale était une illusion et où la violence des privilégiés se manifestait dans leur insouciance totale face à un monde qui souffre. 

Mickey 17 s’inscrit dans cette continuité, Bong Joon-ho explore une fois de plus les dérives du capitalisme à travers une dystopie spatiale.

MICKEY 17 de Boong Joon-ho, 2023, 2h17, Etats-Unis, sortie en France le 5 mars 2025

Avec : Robert Pattinson,Toni Collette, Naomi Ackie, Steven Yeun, Mark Ruffalo, Anamaria Vartolomei, Daniel Henshall, Stuart Whelan

Mickey 17 est adapté du roman Mickey 7 d’Edward Ashton, dont le synopsis est le même que le film sauf que Bong Joon-ho a développé l’histoire jusqu’à la dix-septième version de Mickey Barnes (là où le film s’arrêtait à la septième d’où son titre).

Mickey 17 est un film de science-fiction dystopique, qui suit Mickey Barnes un homme ayant accepté une offre des plus risquées. En 2054, Mickey Barnes, chef pâtissier, patron d’une boutique de macarons, se retrouve obligé, en raison de dettes, de fuir dans une mission de colonisation de la planète glacée Niflheim, organisée par un milliardaire, homme politique, Kenneth Marshall (en figure trumpienne mâtinée d’Elon Musk). En s’embarque dans l’aventure, Mickey ne lit pas correctement les petites lignes de son contrat. Il devient un « remplaçable », un « expendable », soit un travailleur en bas de l’échelle sociale, un homme à tout faire, corvéable à merci. Chaque jour, il affronte des dangers extrêmes et réalise des expériences périlleuses… au prix de sa vie (exploration de la planète, lutte contre les Rampants qui sont des sortes d’énormes cafards vivant sue cette planète, test de virus). À chaque disparition, une nouvelle version de Mickey est recréée et « réimprimée » automatiquement par une bio-imprimante 3D. A chaque fois, sa conscience est réintégrée dans un nouveau corps cloné : ainsi naissent Mickey 2, Mickey 3, Mickey 4… jusqu’à Mickey 17. Il conserve ses souvenirs mais reste prisonnier d’un système impitoyable où il n’est qu’un rouage interchangeable d’un capitalisme effréné. A sa 17e itération, il est présumé mort, tombé au fond d’une grotte de glace, qu’on découvre habité par d’étranges cafards géants. Mickey 18 est alors mis en service. Pourtant Mickey 17 a survécu. Selon le protocole, les clones multiples doivent être éliminés, et ce phénomène de duplication pourrait bien mettre en danger toute la mission et l’intégrité du programme. Face à cette menace, Mickey 17 et Mickey 18 vont tenter de déjouer leur sort, s’allier pour échapper à l’obligation d’être effacés et trouver un sens à leur existence clonée.

Mickey 17 est un film riche en questionnements philosophiques et éthiques. La science-fiction, et le fantastique en général, au cinéma, confirment leur disposition à soulever les questions les plus existentielles de la condition humaine, politique philosophique et quotidienne.

Plusieurs thèmes majeurs se dégagent  dans ce film: la critique et les dérives du capitalisme, la déshumanisation au travail, les dérives autoritaires, les dangers de la mégalomanie, l’immortalité, l’éthique du clonage et les dilemmes moraux, ainsi que la colonisation, le consumérisme et la corruption.

L’un des axes principaux est la quête d’identité dans un monde où l’immortalité est accessible grâce au clonage. Le personnage de Mickey se trouve confronté à la question fondamentale de savoir ce qui définit réellement l’être humain lorsque celui-ci est capable de vivre plusieurs vies. Le film met aussi en scène cette quête à travers des séquences introspectives qui interrogent la notion d’âme et de continuité.

Le clonage est traité sous un angle à la fois scientifique et éthique. En multipliant les copies de Mickey, le récit interroge les limites morales de l’exploitation de la vie humaine à des fins utilitaires. Le film de Bong Joon Ho accentue cette dimension avec des dialogues qui font écho aux débats actuels sur l’éthique en science et en technologie. Cette réflexion sur la condition humaine se traduit par des questionnements sur le libre arbitre et le destin. Etre réplicable à volonté, questionne notre unicité et notre singularité. Cette possibilité de reproduction infinie soulève des interrogations profondes sur la valeur de la vie humaine et la liberté de choix. Être réplicable signifie devenir remplaçable, perdant ainsi notre individualité et notre libre arbitre.

Mickey 17 est aussi une « parabole » sur notre monde actuel, barbare et déshumanisé, où les hommes et les femmes sont considérés comme des objets exploitables et échangeables. Et ce à l’image des différentes versions de ce Mickey perçu comme un outil jetable plus que comme un être humain.

Le réalisateur poursuit aussi  sa critique des systèmes oppressifs et de la lutte des classes. À travers Mickey, figure du travailleur exploité et interchangeable, le film devient une satire cinglante du monde du travail moderne. Le film pose, à ce niveau, des questions telles que : si nous sommes tous remplaçables, avons-nous une réelle valeur ? Quels sont les dangers d’un pouvoir concentré entre les mains de dirigeants égocentriques et déconnectés de la réalité ?

On retrouve dans ce film, tout comme dans The Host, la passion du réalisateur pour les monstres. L’envahisseur et les menaces d’extermination font écho à l’éternel affrontement des hommes contre des créatures « incomprises ». En mettant en perspective le combat des néo-terriens contre les autochtones de la planète (les Rampants), le film montre le mode opératoire des leaders qui désignent un ennemi créé de toute pièce pour pousser son groupe à suivre un combat. Un combat, qui souvent n’a pas lieu d’être en l’absence de toute réelle menace. La seule vraie menace finalement concerne ces autocrates avides de pouvoir.

Bong Joon-ho utilise cette dystopie pour dresser un parallèle glaçant avec notre société contemporaine. Mickey 17 dépeint ainsi un monde où l’individu est un produit jetable, condamné à travailler jusqu’à l’épuisement dans un système qui réduit l’être humain à sa seule productivité. Un constat qui frappe par sa pertinence à une époque où le capitalisme atteint son paroxysme.

Le réalisateur choisit de montrer les personnages et les situations sous un angle souvent humoristique. Robert Pattinson est très convaincant dans le rôle de Mickey. Il incarne à la perfection cet humain un peu (trop) naïf pris au piège d’un système cruel. À ses côtés, Mark Ruffalo, incarne merveilleusement Kenneth Marshall, figure politique grotesque,  commandant tyrannique et inconscient. Toni Collette, sa femme obnubilée par le pouvoir et l’image qu’elle projette, illustre l’hypocrisie des élites. Naomi Ackie, qui interprète excellemment Nasha est une soldate compétente qui remet en question les normes établies, apportant une dynamique de résistance face à ce système absurde.

La construction du film alterne entre des scènes d’action intense et des moments de  comédie noire, créant un équilibre entre tension dramatique et satire mordante. Sur le plan visuel, la majorité du film se déroule dans l’espace et sur une planète hostile, recouverte de neiges éternelles et balayée par des tempêtes. violentes. L’équipage évolue dans cet environnement glacé et montagneux, traversé de crevasses menaçantes, où la survie est un défi constant.

Entre comédie satirique, thriller psychologique et fable existentielle, Bong Joon Ho nous offre un scénario intelligent et une mise en scène aussi glaciale que son décor. Les effets spéciaux sont remarquables et le travail sur les décors sont impressionnants.

Signalons qu’au cœur de l’intrigue il y a  une rencontre fascinante entre Mickey 17 et… Mickey 18, son propre successeur. Alors qu’il est laissé pour mort après une mission, Mickey 17 est secouru par les Rampants. Mais à son retour au vaisseau, il découvre que l’équipage a déjà procédé à sa ré-impression, créant une nouvelle version de lui-même, Mickey 18. Qui est alors le vrai Mickey ? La réplique « Avant quand je mourrais, je ressuscitais, illustre c’était moi qui continuais ma vie. Maintenant, si je meurs… c’est toi qui prends ma place. »  illustre parfaitement le vertige existentiel du film. Jusqu’à quel point une copie reste-t-elle soi-même ? Bong Joon-ho exploite cette idée avec une ironie mordante, jouant sur la confusion d’identité et l’absurdité d’un système où la vie humaine devient un bien interchangeable.

Avec Mickey 17, Bong Joon Ho nous offre donc un film de science-fiction politique, original, intelligent, inventif et décapant.

Bong Joon-ho, le plus talentueux sans doute des cinéastes coréens qui ont bousculé et vivifié le cinéma mondial depuis une bonne vingtaine d’années, a eu l’opportunité de s’essayer à un premier vrai blockbuster américain (en effet, son long-métrage Snowpiercer  est un film coréen au financement international).

Propulsé réalisateur superstar avec son film, Parasite, et ses 258 millions de dollars au box-office dans le monde (1,8 million d’entrées rien qu’en France),  palme d’or au Festival de Cannes et quadruple record aux Oscars (meilleur film étranger/

meilleur film/meilleure réalisation/meilleur scénario original), Bong Joon-ho a évidemment vu les portes d’Hollywood s’ouvrir en grand devant lui. La Warner Bros était prête à lui proposer un budget de plus de 100 millions de dollars pour ce film, soit dix fois le budget de Parasite. 

Tournée entre août et décembre 2022 dans les studios britanniques de Leavesden, cette superproduction de science-fiction ambitieuse devait arriver sur les écrans le 29 mars 2024. Le film a souffert de nombreux retards, provenant en partie de la grève des scénaristes à Hollywood, et d’une post-production extrêmement longue, officieusement à cause des réserves de la major américaine, qui aurait demandé au cinéaste sud-coréen de revoir certaines scènes. Le film a pu être présenté hors compétition au Festival de Berlin le 15 février 2025.

Pour terminer, indiquons que Bong Joon-ho travaille depuis plusieurs années sur son premier film d’animation en Corée, projet mystérieux et intrigant autour des fonds marins sur lequel il planche depuis 2018. Ce film, qui sera réalisé en animation 3D, deviendrait le plus gros budget de l’histoire du cinéma coréen, à hauteur de 70 milliards de wons (soit 52 millions de dollars). Le réalisateur a annoncé qu’après son film d’animation, il passera à la production d’un film d’horreur et d’action, qui prendra en grande partie place dans le métro de Séoul.

Philippe Cabrol

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