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Diamant noir

A voir à la TV cette semaine : Diamant noir

Ce Mercredi 9 mars 2022 sur Arte à 20h55

Pier Ulmann, qui survit de petits boulots et de larcins, a coupé les ponts avec cette origine, du fait de l’accident terrible et auréolé de mystères qu’a vécu son père. Il ne conserve de son père que l’image de ce traumatisme familial. Son histoire le rattrape le jour où son père est retrouvé mort dans la rue, après une longue déchéance. Bête noire d’une riche famille de diamantaires basée à Anvers, il ne lui laisse rien, à part l’histoire de son bannissement par les Ulmann et une soif amère de vengeance. Sur l’invitation de son cousin Gabi, Pier se rend à Anvers pour rénover les bureaux de la prestigieuse firme Ulmann. Furieux contre son oncle, qui s’est enrichi en perpétuant le business familial et qu’il juge coupable de la déchéance de son père, Pier élabore sa vengeance. Rachid, avec lequel il cambriole des maisons bourgeoises, lui dit d’aller se servir. Ensemble, ils montent un coup pour rafler la mise. La mort du père au début du film déclenche chez le fils un désir de réparation : ce que l’un a perdu, l’autre entend le reprendre, et si possible au prix d’un vol, d’une trahison douloureuse. En effet, Diamant noir s’ouvre par une séquence inoubliable, tant pour le spectateur que pour le héros. Débutant par un œil fermé et néanmoins agité, c’est une courte scène irréaliste. Dans Diamant noir, l’œil est constamment cité dans les dialogues, constamment filmé en gros plan : fermé, ouvert, blessé, noyé de larmes. On peut s’interroger sur les raisons qui poussent le réalisateur à attacher autant d’importance à cet organe. Plusieurs explications peuvent être avancées. L’œil est un instrument de travail grâce auquel le voleur et le diamantaire repèrent immédiatement, pour le premier la qualité d’un tableau, pour le second, la pureté d’une pierre. L’œil permet également d’accéder à une intériorité qui reste, quoi qu’on en dise, mystérieuse; il figure la porte d’entrée vers le rêve. L’esthétique du film épouse parfaitement le genre du film noir, tout en restant très lumineuse. L’atmosphère du film n’est pas sans rappeler certains films policiers des années 70. Tout est très noir, c’est un univers sombre qui se déploie. Et pourtant le diamant incite à la lumière. Le titre Diamant noir souligne cette opposition : le diamant est lumière mais la famille est ombre. Cette pierre si précieuse est un objet fascinant à plusieurs faces, comme les différentes facettes de cette famille. C’est aussi un objet solide comme les secrets qui régissent cette famille et fragile comme les vérités qui doivent éclater. Diamant noir, canevas classique de tragédie shakespearienne, rappelle Little Odessa (1994), de l’Américain James Gray : même jeu intense et élégant entre le film noir et la tragédie antique, même obsession lancinante de la vengeance et de la réparation, même attachement au modèle familial comme révélateur du système social, même justesse dans la mise en place de l’atmosphère et la conduite des acteurs, même sentiment de révélation d’un talent puissamment inspiré. Diamant noir est une intrigue captivante aux multiples facettes, certes classique mais bien ficelée, un petit bijou de tension calme, fruit d’une progression scénaristique patiemment installée et d’une mise en scène millimétrée quasi-hitchcockienne.

Philippe Cabrol

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