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Belfast

Analyse du film : Belfast

Réalisateur : Kenneth Branagh ; Genre : drame ; Nationalité : anglaise

Distribution : Caitriona Balfe, Judie Dench, Jamie Dornan, Ciaran Hinds, Jude Hill

Durée : 1h39 ; Sortie : 2 mars 2022

Né à Belfast en 1960, Kenneth Branagh revisite son histoire familiale dans ce film qu’il a réalisé en noir et blanc. C’est une chronique à la fois dépouillée et intense qui parvient à offrir une évocation universelle de l’enfance et à dire ce que celle-ci avait de si particulier. Lauréat du prix du public au dernier Festival de Toronto, Belfast, du très shakespearien Britannique Kenneth Branagh, est certainement son film le plus intimiste. .Dans quelques semaines aura lieu la cérémonie des Oscars. Belfast y fait figure de favori pour la récompense suprême. Belfast, août 1969. Buddy, 9 ans, vit avec ses parents, protestants, et son frère aîné, Will, dans un quartier où cohabitent catholiques et protestants. Lorsque des loyalistes attaquent les logements et les commerces des catholiques dans leur rue, les habitants s’unissent pour dresser une barricade à l’entrée. Le père de Buddy, qui travaille en Angleterre, revient précipitamment. À l’école, Buddy tombe amoureux de Catherine, une camarade catholique. Le père refuse de travailler pour Billy Clanton, une petite frappe qui fait désormais partie des loyalistes. Pendant ce temps, la mère de Billy peine à éponger les dettes de son mari…Tout se passe à hauteur d’enfant sous chansons et musique d’époque dans une œuvre qui se veut un classique passage de l’enfance à la préadolescence : béguin pour une voisine, joies du football, curiosités diverses laissées souvent en plan. Ajoutons plusieurs sorties au cinéma témoignant du premier parcours cinéphilique de Branagh. Les grands-parents, chaudes figures d’expérience, de couleur et d’affection, dominent le jeu général. La mort de l’aïeul sera pour le petit garçon l’occasion d’apprendre à apprivoiser ses pertes. Entre le gangstérisme qui vient troubler leur vie quand l’argent est en cause, l’incendie des maisons des catholiques minoritaires par des fanatiques protestants, le vrai charme de Belfast repose sur la vie de tous les jours qui poursuit son cours, par-delà le climat de cauchemar. À l’école, dans la rue, surtout au sein de cette famille élargie où trois générations cohabitent, le cinéaste témoigne paradoxalement d’une enfance heureuse, car entourée d’amour, à travers des scènes de danse, de chants, de sport, de jeux, de rires. La violence nourrie de flammes, de menaces, de tanks remplis de soldats ponctue une trame de douceur. Branagh utilise des plans fixes, parfaitement composés, tels des tableaux. Le cadre n’est pas seulement pensé en termes d’efficacité, il est aussi pensé comme un outil narratif. En effet, le positionnement des personnages dans l’image sera régulièrement utilisé pour illustrer les jeux d’influences et de dominations. Dans le même style, on notera également l’utilisation de sur-cadrage pour représenter l’isolement ou la séparation. Pour montrer la ville au bord de l’explosion permanente, le réalisateur utilise tous les moyens de mise en scène à sa disposition : plongée sur la ville, contre-plongées sur les personnes menaçantes, ralentis sur certaines actions, travelling circulaire autour de Buddy lors d’une des premières séquences très impressionnantes du film. A la composition s’ajoute aussi une photographie magnifique avec un noir et blanc tout en subtilité, jouant avec l’éclairage, les séquences de conversations secrètes entre les parents étant éclairées sombrement, là où les séquences de jeux dans le quartier, donc la vie publique, sont franchement exposées. Autre idée de mise en scène avec la photographie, l’utilisation de la couleur lorsque les personnages vont au cinéma ou au théâtre, symbolisant ainsi tout le merveilleux que pouvait ressentir le jeune Kenneth Branagh lorsque lui-même allait dans les salles de théâtre avant que cela n’en devienne sa vocation. Le fait de revenir sur ses années d’enfance et d’adolescence est une tendance profonde et souterraine chez la plupart des créateurs, qu’ils soient littéraires ou cinématographiques. On peut penser à Amarcord de Federico Fellini et été récemment Roma d’Alfonso Cuarón ou La Main de Dieu de  Paolo Sorrentino, centré sur l’adolescence du metteur en scène. On peut voir des rapprochements entre  Belfast et Roma : la superbe photographie en noir et blanc, la période (fin des années soixante, début des années soixante-dix), l’adossement à une figure féminine forte (la bonne chez Cuarón, la mère chez Branagh), l’amour du cinéma (la séance du cinéma comme manifestation de cet amour). Belfast se rapproche aussi, par l’atmosphère, d’autres films comme Hope and glory de John Boorman où un jeune garçon anglais découvrait les joies de la vie alors que la Seconde Guerre mondiale faisait rage autour de lui.Avec une belle distribution inter- générationnelle, Belfast est une chronique vivifiante des années d’enfance de Kenneth Branagh, c’est une chronique de mort et de vie. Le film montre un regard à la fois tendre et sans concession sur un quartier au bord de la guerre civile, déchiré entre protestants et catholiques, permettant à son réalisateur de signer son meilleur film.

Philippe Cabrol

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