Reprise en main
Analyse du film : Reprise en main
Haute-Savoie. Cédric se partage entre la varappe, sa vie de famille et l’usine de décolletage (portant sur des pièces de précision) où il travaille. Bernard se coupe les doigts. Cédric s’en prend au patron, Chantrel, lequel magouille en secret la vente de l’usine au profit du fonds d’investissement suisse Apollo, sur ordre de la direction sise à Londres. Chargée des licenciements, Julie, sa secrétaire, prévue pour le suivre à Londres, est tiraillée, sa mère devant être opérée. À l’hôpital où est Bernard, Cédric croise Joséphine, fille du fondateur. Il lui reproche de les avoir abandonnés. À l’usine, un audit lui fait comprendre que celle-ci est en vente. Julie confirme. Lors d’une ascension, Cédric sauve Frédéric qui travaille dans la finance.
Pour son premier long de fiction, en tout point vivifiant, Gilles Perret nous rappelle qu’au cinéma, la fiction consiste à jouer entre le réel et le plausible et à capter le public pour lui transmettre son message, quel qu’il soit. Mission accomplie, sur un rythme vif grâce à l’enchaînement des séquences et aux mouvements de caméra. Sur le ton, on oscille entre rires et émotion. Plus gravement, on découvre, sans didactisme ni explication pesante, un métier né en 1715 (le décolletage), un mécanisme financier odieux et néanmoins légal, une région, superbement filmée, au point que la montagne semble parfois avoir un visage humain comme pour faire contrepoint aux décors froids des milieux bancaires. Dès lors, qu’importent certaines facilités de scénario (les paradis fiscaux permettant le chantage à Joséphine, les héros voyant au bon moment le double jeu de Frédéric, la mère de Julie devant se faire opérer quand Julie hésite à aller à Londres, etc.). L’essentiel, c’est son réconfortant et chaleureux appel à la solidarité. Mais contrairement à un Frank Capra qui valorisait l’individu, Perret privilégie le groupe. L’idée qui va sauver la communauté est elle-même prise à trois. Remettant le sens du travail au centre des enjeux, avec ce qu’il suppose de fierté, de transmission et de savoir-faire, rappelant que ce ne sont pas toujours les humains qui fautent mais aussi les machines et les cadences imposées par un système avide de performances, voilà un film qui fait du bien.
Philippe Cabrol