The Ghost writer
A voir à la télévision : The Ghost Writer
Dimanche 19 février sur Arte à 20h55
The Ghost Writer constitue un excellent thriller du genre. Le film raconte l’histoire d’un écrivain anonyme qui est engagé pour réécrire les mémoires d’un ancien Premier Ministre britannique, Adam Lang.
Un jeune écrivain anglais est contacté pour une proposition financièrement alléchante : devenir le nègre du Premier ministre à la retraite, Adam Lang, pour l’écriture de ses mémoires. Après avoir accepté, il se rend aux États-Unis, sur une île aride où Lang s’isole. Le travail commence, mais l’écrivain apprend que son prédécesseur est mort dans des circonstances étranges…
Ce polar percutant fait partie des grandes réussites de Polanski. Il bénéficie d’un scénario efficace coécrit par Robert Harris et d’une mise en scène remarquable par sa fluidité.
Si le film marquait le grand retour de Polanski, il n’en demeure pas moins comme une œuvre qui doit beaucoup à son coscénariste Robert Harris. Ce dernier est l’auteur du roman (« L’Homme de l’ombre », 2007) qui constitue le matériau initial du métrage. Journaliste politique anglais chevronné, Harris s’est intéressé aux parcours de Tony Blair, ex-Premier ministre britannique, et son épouse Cherie Blair. Sans être cités explicitement dans le roman ou le film, les deux ont visiblement inspiré les personnages d’Adam et Ruth Lang. Le livre est basé sur la rumeur qui courut, en septembre 2006, selon laquelle Tony Blair pourrait être poursuivi devant une cour de justice internationale avec, pour seul moyen d’échapper à la justice, l’exile aux Etats-Unis.
Robert Harris, longtemps journaliste politique au Sunday Times, avait soutenu Tony Blair jusqu’en 1992 avant de changer d’opinion après les élections législatives de 1997 qui l’ont porté au pouvoir. Il lui reproche alors d’être plus à droite que Margaret Teacher. Lorsqu’il fait son bilan, il ne voit pas une seule de ses initiatives qui n’ait pas été orchestrée en faveur des Etats-Unis : « On a bien soupçonné Harold Wilson, Premier ministre travailliste dans les années 1960 et 1970 d’être à la solde du KGB. Pourquoi ne pas lui imaginer un successeur acquis à la CIA ? » s’est demandé Robert Harris. Puis, constatant que la femme de Tony Blair était encore plus à droite que son mari, lui est venue l’idée du scénario. La responsabilité de Blair dans l’engagement en Irak, ou ses liens étroits avec la diplomatie américaine, sont à l’origine des situations évoquées dans le scénario. Pourtant, The Ghost Writer n’est pas vraiment un film politique à la Pakula ou Oliver Stone, mais avant tout un thriller percutant, épuré et glaçant, qui porte la griffe de son réalisateur, tant au niveau de la thématique.
La question politique dans le film est perçue à partir des écrans de télévision, ce qui met mieux en valeur cette maison isolée
La mise en scène est remarquable et l’intrigue captivante, dans l’art de distiller le suspense avec une économie de moyens (l’escapade en vélo sur l’île, la traque dans le ferry, le dénouement dans la maison d’édition), l’autre force du film réside dans son casting judicieux.
L’intrigue de The Ghost Writer n’est pas vraiment originale et rappelle les nombreux romans ou films d’espionnage qui ont fleuri pendant ou après la guerre froide. Certes, le héros n’est pas un espion, mais il se révèle néanmoins au cours du film très efficace en espion et efficace pour se sortir d’affaire. Face à lui, un politicien controversé qui fut en haut des sondages, qui est maintenant critiqué par tous et d’abord par ses « amis » en politique. L’affaire est grave, on l’accuse d’avoir soutenu des actes de torture au Moyen-Orient et c’est le tribunal de La Haye qui pourrait l’arrêter. Les deux hommes ont comme point commun d’être totalement dépassés par des enjeux bien plus importants et qu’ils ne saisissent pas totalement.
The Ghost Writer est d’abord un film d’ambiance et de mystère dans lequel l’insularité joue un rôle essentiel L’île instaure un climat de méfiance, d’instabilité permanente sur lequel se construit tout le film
La dernière image du film concentre sans doute toutes les idées de Roman Polanski : des feuilles volent au vent et rappellent la présence de l’écrivain fantôme tandis que l’image du politicien est présente par la publicité au mur. L’ambiguïté reste de mise
The Ghost Writer est « surtout la continuation éclatante de l’œuvre polanskienne, le prolongement d’une vision du monde où le pire paraît peu à peu s’éloigner, comme un mauvais rêve, avant de revenir, soudain, envahir la réalité », un film où se décline « la sensation du piège, absolument transversale à la filmographie de Polanski ».
Philippe Cabrol