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Domingo et la brume

Analyse du film : Domingo et la brume d’Ariel Escalante Meza

Domingo est un vieil homme vivant dans les montagnes tropicales du Costa Rica. Inconsolable depuis le décès de sa femme, il résiste à la construction d’une autoroute qui doit détruire sa maison. Il puise sa force dans le souvenir de son épouse. Domingo se distingue par l’étrange tendance qu’il a d’interpeller la brume avoisinante.

Avec ses trois couleurs primaires (bleu, jaune et rouge), et parfois du vert, une musique enveloppante, une ambiance étrange et envoûtante Ariel Escalante Meza réalise, à partir de faits authentiques qui se sont déroulés près de Cascajal de Coronado, un film profondément humain sur le deuil, la culpabilité et le déracinement.

Premier film du Costa Rica présenté en sélection à Cannes 2022, cette œuvre enferme ses personnages dans un univers moite, sous un ciel bas et gris, des prés d’un vert intense et une jungle épaisse. L’intérieur des maisons est sombre Le rythme du film est lent, peu de paroles sont échangées.

Domingo et ses amis doivent résister à la pauvreté, à l’exode rural, à la pression de l’expropriation. Se pose le dilemme douloureux entre résister, y compris au péril de sa vie, ou négocier au risque de passer pour un traître. Domingo doit en outre se confronter à ses remords qu’il revisite dans les bâtiments en ruines de sa ferme. Comment se racheter du passé ? Le peut-on ? La brume est une fort belle actrice… Ce fantôme pose des questions, du moins Domingo dialogue-t-il avec lui.

La beauté de ce premier film tient à la façon dont le réalisateur met en scène cette relation à la brume. Ariel Escalante Meza excelle à faire de la brume un élément transfigurant les paysages, qu’il filme dans de majestueux plans larges. Mais elle apparaît aussi comme un sujet à part entière, puisque le cinéaste va jusqu’à lui prêter une voix qui s’apparente à celle du fantôme de l’épouse de Domingo « Pourquoi sommes-nous nés de ce côté de la vie ? Qui a jeté les dés ? Quelle vie après la mort ? Quel pardon serait possible ? »

Le film intrigue particulièrement dans sa manière de raconter le désir, manifeste chez Domingo, d’un « retour à la nature » face aux avancées de la civilisation. La brume constitue alors un moyen de se recueillir à l’abri du monde humain. Aux longs plans-séquences fixes dans lesquels se déroulent les interactions avec les autres personnages, s’opposent les séquences filmées dans la nature, en particulier au cœur de la brume ; le cadre s’y élargit souvent, comme si Domingo pouvait de nouveau pleinement respirer. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que ce vieil homme se résolve progressivement à quitter les humains pour se fondre dans la forêt.

Avec ce film politique à la lisière du fantastique, le réalisateur dénonce un système corrompu et criminel.

Philippe Cabrol

https://chretiensetcultures.fr