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Une affaire de principe

Analyse du film : Une affaire de principe

Sortie le 1 mai 2024 en salle | 1h35min | Drame, Thriller

De Antoine Raimbault | Par Antoine Raimbault, Marc Syrigas

Avec Bouli Lanners, Thomas VDB, Céleste Brunnquell

Thriller politique, dont l’intrigue tendue nous fait découvrir peu à peu que, pour les puissants lobbys économiques, tous les coups sont permis… avec la complicité des plus hautes instances européennes, Une Affaire de principe relate un complot, réel, des lobbies du tabac au sein des institutions européennes. José Bové et ses assistants sont ici les héros d’une enquête sans course poursuite ni arme. Un film de bureau en somme, mais bien mené, passionnant et instructif.

Bruxelles, 16 octobre 2012, le commissaire à la santé de la commission européenne John Dalli est poussé à la démission pour avoir participé à des rendez-vous secrets, notamment avec un fabricant suédois de Snus, tabac à priser, autorisé uniquement dans ce pays. Il est accusé d’avoir touché un pot-de-vin pour entraver le vote de la directive tabac. Le député européen José Bové et ses assistants parlementaires décident de mener l’enquête. Ils vont alors découvrir un véritable complot menaçant de déstabiliser les instances européennes, jusqu’à leur sommet. Antoine Raimbault s’est inspiré du livre « Hold-up à Bruxelles, les lobbies au cœur de l’Europe » de José Bové.

En révélant de graves dysfonctionnements au sein de la Commission européenne et une influence abusive des lobbys, Une affaire de principe, appartient au genre : le film dossier.

Soupçonnant l’existence d’un complot, José Bové avec l’aide de Patrice, son assistant parlementaire, et de Clémence une stagiaire opiniâtre, se lancent dans une contre-enquête qui va les mener jusqu’au plus haut sommet du pouvoir européen. Pour José Bové, cette enquête est une affaire de principe, plus qu’un combat contre les géants du tabac. Ce qui compte, pour lui c’est « la démocratie, le respect et la règle et du droit, au plus haut sommet des institutions européennes ».

Le film tient son spectateur en haleine avec une affaire complexe, une somme d’informations pas simples à ingérer, des pelletées d’acronymes … tout cela dans un cadre extrêmement formel et impersonnel, composé d’hémicycles éclairés aux néons, de halls gigantesques, de couloirs moquettés de ding-dong d’ascenseurs qui rythment le quotidien de ces institutions.

Le réalisateur montre ces espaces pour souligner le gigantisme et la dépersonnalisation d’institutions tentaculaires, au fonctionnement complexe. En contraste, dans ce décor lisse et feutré, peuplé de figurants uniformisés, José Bové, moustache et veste de velours, et ses deux acolytes, jean baskets et sac à dos Quechua, avec comme seules armes l’enregistreur du téléphone et la photocopieuse, apparaissent comme une équipe de pieds nickelés, dont l’efficacité se révèlera pourtant implacable.

Leur combat a contribué à l’adoption par le Parlement européen, le 19 mai 2014, de la directive sur les produits du tabac, qui avait pour objectif principal de rendre les produits du tabac moins attractifs pour les jeunes, et qui comprend notamment la neutralité du paquet, avec l’affichage d’avertissements liés à la santé sur 65% de leur surface.

Qualifié par le réalisateur de « thriller de bureau », Une affaire de principe montre comment les institutions européennes, quand leur bon fonctionnement est assuré, garantit l’intérêt général contre les intérêts financiers des lobbies, et interroge avec intelligence la question de la démocratie et de l’engagement.

Grâce à ce trio de personnages et aux députés européens qui gravitent autour d’eux, le film donne également une autre image, réelle, à échelle humaine, de cette instance désincarnée, trop souvent appréhendée comme une entité abstraite.

Philippe Cabrol

#analysedefilm

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