
Cervantès avant Don Quichotte
Analyse du film : CERVANTES AVANT DON QUICHOTTE
Alejandro Amenábar met en lumière un épisode méconnu de la vie de l’auteur du plus grand best-seller de la littérature mondiale.
Cervantès avant Don Quichotte, c’est la vie avant la gloire littéraire. Le cinéaste espagnol Alejandro Amenabar met en scène les années de captivité à Alger, entre 1575 à 1580, du futur écrivain de « Don Quichotte ».
CERVANTES AVANT DON QUICHOTTE d’Alejandro Amenábar . Espagne/ Sortie en France le 1er Octobre 2025/ 2h15mn.
Avec : Julio Peña, Alessandro Borghi, Miguel Rellán, Roberto Álamo.
Le réalisateur revient sur une page d’histoire peu connue du XVIe siècle. A cette époque, la Méditerranée occidentale est marquée par une intensification des affrontements maritimes entre les puissances chrétiennes et les provinces ottomanes d’Afrique du Nord. C’est dans ce contexte que Miguel de Cervantes, ancien soldat de la bataille de Lépante, fut capturé. La captivité en Méditerranée ne se confondait pas avec l’esclavage, mais s’inscrivait dans un système structuré de rachat et d’échange, reposant sur le statut social des prisonniers et l’action d’intermédiaires spécialisés. Ce commerce des captifs, pratiqué aussi bien par les États musulmans que chrétiens, constitua un élément central des relations entre l’Europe et le Maghreb aux XVIe et XVIIe siècles.
Alger, 1575. Miguel de Cervantes est fait prisonnier par les Maures. Captif et blessé, il est détenu avec d’autres nobles chrétiens chez le pacha Hassan. Miguel de Cervantes feint d’être noble pour ne pas être tué. Mais il restera longtemps dans cette prison à ciel ouvert. Pour tromper l’ennui, il « dévore » les ouvrages de la bibliothèque du Père Antonio de Sousa. Cervantès se met alors à inventer des histoires d’évasion et à travers elles, il imagine son retour à la liberté. Il est admiré par des captifs qui attendent avec impatience la suite de ses récits. Un jour un garde vient le chercher et l’amène au sultan Hassan, homme complexe et intrigant. Vénitien converti en Turquie, il établit bientôt avec Cervantes une relation ambiguë, où se mêlent séduction et domination. Le pacha Hassan incarne une société arabe où les mœurs sexuelles sont plus libres pour les hommes et où une ascension sociale et économique semble possible pour tous, dés l’instant ou ils renient leur foi chrétienne et embrassent l’islam.
« Vous avez demandé que je vous surprenne », lui dira Cervantes lorsque le pacha Hassan s’indigne d’un développement inattendu de l’histoire que lui raconte son captif. gagne au compte-gouttes des journées de liberté ainsi que certains avantages pour ses codétenus.
Amenábar reprend la structure de récits que l’on trouve dans l’œuvre du romancier espagnol, entremêlant la réalité au conte que son protagoniste invente au fil de sa captivité.
Le film représente la naissance de la vocation littéraire de Cervantes, multipliant les clins d’œil à ses œuvres : les prêtres de l’ordre des Trinitaires venus négocier le rachat des détenus évoquent les silhouettes de Don Quichotte et Sancho Panza, tandis que Cervantes pense aux moulins de la Mancha, ces « géants saluant les passants » et qui sont magnifiquement représentés dans le film.
Le réalisateur dans Cervantès avant Don Quichotte s’intéresse à la fois au soldat et au conteur en germe. Cervantès raconte à ses co-détenus, parvenant à faire comprendre les enjeux et l’impact que ces événements auront sur l’écrivain et sur ses futurs travaux. À son retour en Espagne, Cervantès commencera à écrire et ses premières œuvres théâtrales seront directement inspirées par cette expérience traumatique qui lui a permis d’entrer en contact avec la culture musulmane, qui a nourri la construction de ses personnages.
Le film analyse les tensions politiques et morales de l’époque Si le contexte est celui d’un conflit interreligieux: Maures contre captifs chrétiens, il sert d’alibi à des réflexions sur la vertu et la liberté. Le film met face à face deux figures de jugement: celui qui s’indigne, le prêtre Blanco, lâche et traître et celui de Cervantès. «Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » Evangile de Jean(8,1-11), lui dira Cervantes.
Amenábar s’empare dans ce métrage d’une hypothèse quant à l’homosexualité de son héros Cependant les annales ne fournissent aucune preuve directe de son orientation sexuelle. Aucun discours sur la place (inexistante) de la femme n’est exprimé dans le film.
La reconstitution d’Alger est éblouissante et riche : des souks jusqu’aux intérieurs arabisants. Le tournage a eu lieu entièrement en Espagne et surtout dans les jardins de l’Alcazar de Séville.
A propos de son film, Alejandro Amenábar a déclaré : «avec le scénariste, nous avons beaucoup mêlé réalité et fiction, jusqu’ à rendre la frontière parfois indiscernable. Nous avons aussi joué avec les récits enchâssés, ce qui est très cervantesque ».
Philippe Cabrol, Chrétiens et Cultures
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