
Revoir Paris
Analyse du film : Revoir Paris
Réalisatrice : Alice Winocour ; Genre : drame ; Nationalité : française ;
Distribution : Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin, Maya Sansa, Souleymane Toure
Durée : 1h45mn ; Sortie : 7 septembre 2022
Deux films qui sortent prochainement sur les écrans portent un regard sur les évènements tragiques des attentats du 13 novembre 2015 qui ont couté la vie à 130 personnes, dont 90 au Bataclan. Revoir Paris d’Alice Winocour donne à voir le quotidien de deux rescapés, tandis que Novembre (sortie prévue le mois prochain) de Cédric Jimenez retrace l’enquête du parquet anti-terroriste.
Un verre cassé au début… des vies détruites un peu plus tard… L’angle du film est celui d’une victime des attentats à Paris, une figure de femme admirable. Revoir Paris raconte l’histoire de Mia qui vit à Paris et qui est prise dans un attentat dans une brasserie. Alors qu’elle n’a toujours pas réussi à reprendre le cours de sa vie et qu’elle ne se rappelle de l’évènement que par bribes, Mia décide de retrouver la mémoire pour retrouver le chemin d’un bonheur possible…
Le film commence trois mois après l’attentat d’un bistrot de la capitale. Mia est toujours hantée par des réminiscences fugitives, l’empêchant de mener sa vie comme elle l’entend. Décidée à combler les lacunes de sa mémoire imparfaite, elle retrouve Thomas qui se souvient de tout et aurait préféré laisser s’évaporer l’horreur dans son esprit tourmenté.
Mia ne se souvient pas de tout le déroulé de cette soirée. Dans le film elle est pensée comme un fantôme, comme un ange. Elle n’a qu’une tenue durant tout le film, elle n’a pas de sac mais sa veste en cuir, qu’elle ne quitte pas et qui est pour elle comme une armure. L’enjeu du film est ensuite de tracer son chemin vers la reconstruction, vers ce moment où son visage se réanime, où le sang coule à nouveau dans ses veines et où elle peut se reconnecter. C’est en essayant de retrouver la mémoire pour reconstituer le fil des événements, en allant notamment à la rencontre d’autres victimes, en aidant l’une d’elles et en rejoignant une association, qu’elle va pouvoir se reconstruire.
« J’ai voulu raconter l’histoire de quelqu’un qui ne voulait pas seulement survivre, mais surtout vivre », explique Alice Winocour. Pour réaliser ce film, la réalisatrice a recueilli des témoignages de rescapés, dont celui de son frère. Dans ce film, Alice Winocour met donc l’accent sur ces êtres qui tentent de se reconstruire malgré les traumatismes. « S’ils s’expriment de manière plus ou moins marquée, ils se pansent de manière tout aussi disparate »
Revoir Paris nous fait réfléchir à des questions essentielles : Comment reconstruire une existence brisée par l’impensable ? Comment se relever, comment vivre quand on a perdu la mémoire après un choc traumatique aussi intense ?
Le film montre avec finesse comment la mémoire est marquée de façon indélébile par les gestes les plus profonds en humanité. Et c’est en retrouvant les auteurs de ces gestes salvateurs que l’avenir va pouvoir se dessiner, qu’il va à nouveau être possible de se laisser aimer…. Au-delà de la peur, ils ont partagé l’essentiel : rester humains malgré tout. Ils comprennent que l’on ne peut avancer seul. Le titre du morceau choisi pour accompagner leur chemin est Fratres d’Arvo Pärtqui exprime parfaitement la fraternité dans la douleur
Peu de films à ce jour ont radiographié ce moment d’horreur où la France a basculé de l’insouciance sans histoires à la crainte des attentats terroristes. Seule la série En Thérapie s’est approchée dans sa première saison de cet instant de bascule en inscrivant ses personnages dans la toile de fond des attentats du 13 novembre 2015. On observe donc Mia qui se reconstruit et réapprend à faire confiance aux gens, ce qui s’avère être le principal défi qu’elle est amenée à rencontrer. Revoir Paris est l’histoire de sa déconnexion, puis de sa reconnexion au monde.
Philippe Cabrol