Login

Lost your password?
Don't have an account? Sign Up

The Whale

Analyse du film : The Whale

Darren Aronofsky est un grand habitué du Lido vénitien, où il est déjà venu cinq fois et reçu le Lion d’or en 2008 pour The Wresler.The Whale, huitième long-métrage adapté de la pièce de théâtre éponyme de Samuel D. Hunter, aussi scénariste du film a été présenté en 2022 en compétition à la Mostra de Venise. Ce film fait penser à The Wresler: la structure est presque identique: un père au parcours jonché d’embuches et de descentes aux enfers, essaie de renouer une relation avec sa fille perdue de vue. Mickey Rourke incarnait un catcheur vieillissant, préoccupé par ce corps meurtri qui est son fonds de commerce. Brendan Fraser a été choisi par Aronofsky pour ce rôle de professeur de littérature anglaise empêché de sortir de chez lui à cause de son obésité morbide. Les deux films stigmatisent le corps de leur acteur principal.

Dans The Whale, le réalisateur regarde son acteur, et en premier lieu son corps, comme on regarde un monstre. Chaque pas qu’il essaie de faire est filmé pour illustrer une déchéance physique, rythmée par une musique omniprésente qui souligne le trait avec beaucoup d’emphase. Cette obsession du corps du personnage de Charlie n’est à aucun moment doublée d’une explication de sa condition. Le film se nourrit de ces images sans prendre la peine de tisser une explication. Le réalisateur envisage ce corps avant tout comme l’incarnation d’une dualité entre la surface et la profondeur (l’enveloppe et l’âme), le scabreux et la poésie.

Toute l’action se déroule sous forme de huis – clos dans l’appartement de Charlie sur une semaine, celle où il va mourir. Charlie a abandonné son épouse et sa fille pour vivre avec un homme. Son compagnon est décédé depuis quelques temps et Charlie se laisse aller, a pris beaucoup de poids et se laisse mourir. C’est donc un suicide que nous voyons sur grand écran. Charlie, qui tente de renouer avec sa fille adolescente pour une ultime chance de rédemption

Le film propose une métaphore intéressante. La baleine (the whale en VO) fait référence à la baleine blanche du roman Moby Dick de Herman Melville et le parallèle entre Ismaël et Charlie est très évident. Évidemment, cela jouera dans le dénouement de The Whale, où l’émotion sera à son paroxysme. Enfin, on notera aussi, les différentes séances, à distance, avec les élèves du professeur qui en disent long sur le personnage, qui pousse ses élèves à toujours faire mieux, mais aussi à toujours être vrais, surtout dans ce qu’ils écrivent.

On peut voir The Whale au premier degré, comme l’histoire d’un homme sachant sa fin de vie arriver. Mais nous devons regarder ce film au second degré, Aronofsky fait de Charlie un personnage mythologique tout droit sorti d’une fable surréaliste. Sa rédemption ne peut débuter que si les autres font le premier pas, sa bienveillance et son empathie sont le moteur du récit. Derrière les tragédies que porte Charlie, le dogme religieux est présent. Nous pourrions jusqu’ à dire que Charlie est un personnage christique. Avec cette dynamique père / fille – l’amour absolu du premier pour la seconde et l’attitude belliqueuse de la seconde pour le premier, Aronofsky porte ce récit crépusculaire vers une forme de transcendance.

Philippe Cabrol

https://chretiensetcultures.fr