Perfect days
Prix Œcuménique du Festival de Cannes : Perfect days
Sortie en salle : 29 novembre 2023/ 2h03min / Drame, Comédie
De Wim Wenders ; Par Wim Wenders, Takayuki Takuma
Avec Koji Yakusho, Min Tanaka, Arisa Nakano
C’est la troisième fois que Wim Wenders remporte le Prix du jury œcuménique. (Paris Texas 1984, Les ailes du désir 1987, Perfects days 2023) Ce prix du Festival de Cannes est attribué depuis 1974.
Wim Wenders a déclaré être «très ému de recevoir ce prix parce qu’en effet, on a fait, pour ainsi dire, un film spirituel». Perfect Days «parle d’un homme pour qui tous les autres, toutes les plantes, tous les arbres et surtout la lumière sont sacrés».
Dans la trempe des films qui ont été réalisés par amour, l’amour de l’existence, l’amour de l’art et des petits plaisirs quotidiens, Perfect Days est une sublime ode à la vie. Touchant et bercé par un sens de la contemplation du quotidien, Perfect days est un film minimaliste et teinté de musique rock des années 60, où le bonheur s’expérimente dans le goût des choses simples. Le titre de ce long métrage est donné par la chanson célèbre de Lou Reed.
On pourrait appeler le film de Wenders : la première chasse d’eau et autres plaisirs minuscules ou bien le poète des toilettes de Wim Wenders ou bien encore le samouraï des toilettes
Perfect Days est né d’une commande passée à Wim Wenders par la municipalité de Tokyo autour des toilettes publiques du quartier de Shibuya. Plutôt que de tourner le court-métrage initialement prévu, le cinéaste passionné par le Japon (il avait tourné 35 ans plus tôt, Tokyo-Ga, un documentaire en hommage à Ozu) a réalisé une fiction centrée sur le quotidien d’un agent d’entretien , salarié de la société The Tokyo Toilet.«
Ce chef d’œuvre cinématographique est un bijou doté de nombreux attributs poétiques. Le réalisateur nous transmet un puissant récit sur l’espoir, la beauté et la transfiguration dans le quotidien de nos vies. A travers la vie de Hirayama, un homme dont le travail consiste à nettoyer les toilettes publiques au Japon, qui vit seul, aime la nature, la lecture et la musique, nous discernons progressivement la perfection souterraine de chaque jour. Avec une grande dignité, il s’épanouit dans son travail, et fait preuve d’un même respect à l’égard des autres et de la nature, qu’il côtoie au fil de ses «jours parfaits».
Hirayama travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo. C’est un taiseux, un employé modèle qui aime le travail bien fait. Cependant son passé va ressurgir au gré de rencontres inattendues.
Peu bavard, attentif, sans jugement, généreux, serviable, Hirayama s’épanouit dans une vie simple, et un quotidien très structuré. Il accomplit un travail ingrat, qu’il n’a pas de honte à faire à la perfection. Il y trouve un sens profond, philosophique, dans la contemplation de l’instant présent. Consciencieux, il se contente de peu.
Tout est ordonné, tant dans son appartement que dans ses journées rythmées par des rituels bien précis. Chaque journée est structurée par des habitudes qu’il répète inlassablement et commence de la même façon: un regard vers le ciel, une boisson, un travail, et de la musique. Lorsqu’il sort de son immeuble pour se rendre au travail, il regarde le ciel et il sourit. Pour sa pause-déjeuner, il se rend toujours dans le même parc, sur le même banc, pour lire un livre et photographier les variations de la lumière dans les feuilles des arbres.
Hirayama entretient une passion pour la musique surtout des chansons rock des années 70 (les Rolling Stones, Otis Redding, Lou Reed, Patti Smith,…Le titre est donné par la chanson célèbre de Lou Reed. En réalité, tout le film est traversé de tubes des années 60-70 qui font la marque de fabrique du récit. …) qu’il écoute sur de vieilles cassettes audio. Homme cultivé il aime lire, notamment Faulkner, Patricia Highsmith,… Il s’émerveille devant la beauté des arbres qu’il aime photographier.
Si cet homme est un solitaire, il n’est pas malheureux. Par les gestes du quotidien, par l’admiration du mouvement du soleil à travers les feuilles, l’univers de Hirayama est en harmonie avec son environnement. Attentif au monde qui l’entoure, il en remarque toujours la beauté.
L’attention qu’il porte aux autres alors que ceux-ci l’ignorent fait de lui un homme digne. Invisible parmi les Invisibles, cet homme est transparent à leurs yeux. Mais il n’est même pas du genre à se plaindre. Hiriyama est une belle personne, faisant de chaque journée une réussite selon ses propres mots.
Au fur et à mesure du récit, Wenders explore les liens que celui-ci noue avec tout son entourage: les clients, ses collègues, les commerçants, sa nièce, sa sœur. On découvre alors un homme à la fois ordinaire et complexe, drôle et attachant. Et le métrage de célébrer sa bienveillance, sa bonté et sa générosité. Une personnalité et une conduite qui apportent tant de sérénité à l’intéressé qui jouit de la vie grâce à des petits plaisirs. On dit que le bonheur est quelque chose d’intime. À chacun de trouver comment être comblé de bonheur. Hirayama trouve aussi le bien-être dans la photographie, la lecture, des standards du rock sur cassettes audio (on se délecte des chansons des Rolling Stones, de Patti Smith, Lou Reed, Nina Simone ou encore Otis Redding) et même – plus délicat – dans l’éloignement de certains problèmes familiaux que l’on devine. Wenders nous donne à voir les choses différemment et refuse de juger l’homme pour ses choix, ce dernier les assumant complètement. Que reprocher à celui qui ne recherche qu’à vivre ses jours parfaits ? Perfect Days est de ces films sensibles et poétiques qui vous touchent en plein cœur.
Ce film nous entraîne dans les rues de la capitale japonaise, faite de rencontres furtives, d’un quotidien immuable. On ne saura rien de cet homme mutique, de son passé familial visiblement douloureux.
Perfect days est une balade poétique et spirituelle, faisant le portrait d’un homme sans histoire, digne et souriant. L’enjeu de WimWenders est de montrer que le bonheur se trouve dans les choses simples de la vie. En effet, le bonheur pour Hirayama n’est ni dans le paraître, ni dans l’argent, ni dans l’ambition sociale, mais dans les petits riens du quotidien. C’est seulement une joie de vivre qui se conjugue au présent, avec simplicité et passion.
Avec cette histoire profondément sensible et humaine, Wim Wenders nous offre une réflexion émouvante et poétique sur la recherche de la beauté dans le quotidien. La mise en scène est délicate et rend sensible le quotidien de cet homme.
Grâce à un style naturaliste, un rythme lent et contemplatif, le cinéaste capte la douceur de la lumière naturelle à la perfection. Le film montre la beauté du quotidien dans sa plus grande simplicité vie. Tout est beau dans ce film : les plans de Tokyo, la musique, la bienveillance de Hirayama, son visage et ses sourires, les regards portés par le héros sur le monde.
L’une des meilleures choses que le cinéma puisse faire, c’est de nous obliger à ralentir et à apprécier le simple fait d’être en vie. La limite du cadre et la capacité du film à étirer le temps nous poussent à apprécier les petits plaisirs de la vie. Plaisirs que le travail, les projets ou plus souvent, les moments où la réalité n’est pas à la hauteur de nos espoirs et de nos désirs peuvent nous faire oublier.
Le sentiment qui imprègne les films de Wenders est que chaque chose et chaque personne sont uniques, que chaque moment ne se produit qu’une seule fois, que les histoires quotidiennes sont les seules histoires éternelles.
Ode à l’ici et maintenant, Ode à la nature, ode à la vie, ode à la poésie du quotidien, ode à la sérénité, Wim Wenders signe un film lumineux. Deux ans après la covid, le cinéaste allemand fait le choix de rappeler nos fondamentaux : profiter de la vie, profiter de ce que nous offre le monde.
Des plus petites choses naissent une grande prospérité. La routine du quotidien se laisse surprendre dans ce film par l’inattendu et le contentement ouvre au bonheur simple. Pensons à ces mots lumineux de l’épître de Paul aux Philippiens: «Je ne parle pas ainsi parce que je suis dans le besoin. J’ai en effet appris à me contenter toujours de ce que j’ai».
Philippe Cabrol
#festivals2023 #festivaldecannes