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Le Diable n’existe pas

Réalisation : Mohammad Rasoulof
Distribution : Ehsan Mirhosseini, Kavh Ahangar, Alireza Zareparast, Salar Khamseh
Nationalité : Allemand, Iranien, Tchèque
Genre : Drame
Durée : 2h 30 min
Date de sortie :  1 décembre  2021

Avec ce film qui est un plaidoyer magnifique et saisissant en faveur de la liberté de conscience et contre la peine de mort,  Mohammad Rasoulof poursuit son inlassable combat pour la reconnaissance du droit à être soi.

Iran, de nos jours. Heshmat est un mari et un père exemplaire mais nul ne sait où il va tous les matins. Pouya, jeune conscrit, ne peut se résoudre à tuer un homme comme on lui ordonne de le faire. Javad, venu demander sa bien-aimée en mariage, est soudain prisonnier d’un dilemme cornélien. Bharam, médecin interdit d’exercer, a enfin décidé de révéler à sa nièce le secret de toute une vie. Ces quatre récits sont inexorablement liés. Dans un régime despotique où la peine de mort existe encore, des hommes et des femmes se battent pour affirmer leur liberté.

Rasoulof assemble des histoires indépendantes pour tourner autour d’un axe de pensée resserré autour d’une idée. La peine de mort, qui sévit toujours dans le régime iranien, et son impact sur les personnes qui doivent servir de bourreau est le centre qui polarise toute la narration du Diable n’existe pas. Un  axe fort du film tourne autour des personnes, des hommes, qui servent de bourreaux. A ce titre, la première histoire est glaçante, elle déroule des actes du quotidien, une famille comme une autre, avec des membres compris sur plusieurs générations, et des préoccupations banales d’un quotidien auquel n’importe quel spectateur peut se raccrocher et s’identifier, jusqu’à ce que tout bascule. Les deux dernières séquences sont quant à elles des révélateurs des répercussions d’un tel acte sur toute une famille, voire sur toute une communauté. Détenir cette violence et ce pouvoir de donner la mort peut faire s’effondrer tout un équilibre fondé sur le respect et la confiance.

Parmi ces bourreaux, le réalisateur dépeint l’indifférence de l’un, le tremblement et le courage d’un autre, les scrupules tardifs d’un troisième, le renoncement du dernier. Avec ces quatre histoires, le cinéaste iranien, interdit de tourner des films dans son pays et officiellement condamné à un an de prison, questionne davantage l’obéissance à des lois iniques plutôt qu’ à une corruption omniprésente. Le régime politique iranienne est en cause: des soldats du contingent sont désignés pour participer aux exécutions, sous peine de voir leur service militaire prolongé, pour ceux qui se déroberaient, ils ne pourraient pas trouver un emploi et sortir du pays. L’armée figure dans le film la domination de l’ État iranien.

D‘un épisode à l’autre, le film suit une progression  où les consciences s’éveillent.  Le décor claustrophobe de la ville cède la place à une campagne  où se cachent les objecteurs de conscience, contrepoint apaisé aux horreurs des exécutions. La prise de conscience du soldat Javad qui exécute sans remords des condamnés avant de rencontrer les proches d’une de ses victimes, se vit à même la chair, faisant trembler son corps plié en deux d’une culpabilité douloureuse. Comme pour le philosophe Emmanuel Levinas dont l’analyse est essentiellement éthique et porte sur la relation du sujet à autrui. Pour Emmanuel Levinas, l’expérience d’autrui prend la forme du visage. Le visage, chez Lévinas, ne doit pas être compris au sens propre : le visage de l’homme excède toute description possible. Lévinas décrit le visage comme une misère, une vulnérabilité et un dénuement qui, en soi, sans adjonction de paroles explicites, supplient le sujet.3 Le visage m’empêche de tuer », écrit-il dans Ethique et infini. Comme chez Levinas, dans Le diable n’existe pas tout devient  question de visage, ce visage à la vulnérabilité capable de désarmer la violence. Si, dans le premier épisode, on n’aperçoit que les pieds suspendus dans le vide des condamnés à mort, les héros des derniers épisodes abandonnent leur aveuglement en regardant  la victime  en face. Par leur parcours Rasoulof veut démontrer et faire comprendre, le temps d’un simple face-à-face, le caractère inaliénable de chaque personne.

Mohammad Rasoulof réussit un récit multiple brillant, où chaque instant entrechoque le suivant pour prolonger une analyse bouleversante d’un geste aussi fondamental que la violence légale. Cette question, qui donne la mort, déploie des ondes de chocs qui détruisent  les familles, les vies, et tout l’ordre établi. Ce film s’inscrit  dans une cohérence et une intelligence qui force le respect, brillant par une mise en scène claire et limpide alternant entre violence et éloquence. Un coup de maître qui a mérité son Ours d’or à Berlin en 2020. Chacune des quatre parties est une prise de conscience, une tentative de libération de soi, de ses attachements envers autrui et encore plus instinctivement, de l’emprise d’un régime politique qui ne laisse aucun espoir à la réconciliation de la pensée libre.

https://chretiensetcultures.fr

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