Diamant brut
Analyse du film : Diamant brut d’Agathe Riedinger.
Sortie le 20 novembre 2024 en salle | 1h 43min | Drame
Avec : Malou Khebizi, Idir Azougli, Andréa Bescond
Diamant Brut est le premier long-métrage réalisé par Agathe Riedinger. Diamant Brut suit Liane, 19 ans, une jeune femme pleine de rêves et d’espoirs, croupissant dans un endroit miséreux à Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu’un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d’être aimée.
Le fléau des influenceurs, l’enfer des émissions de télé-réalité, inondent la conscience de Liane. Entre vols dans les magasins et vidéos TikTok, entre une mère absente et la nécessité d’aider sa jeune sœur délaissée, Liane attend le jour où quelqu’un saura voir le diamant brut qui se cache en elle. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu’elle passe un casting pour « Miracle Island ». Suite aux essais, plutôt positifs, elle attend une réponse, plus ou moins patiemment, faisant de chaque jour de silence, un nouvel abîme, un nouveau chaos.
Liane#influenceurs est à la fois déguisée et à nu, artificielle et totalement réelle. Elle a des rêves d’aujourd’hui : devenir star de télé-réalité et influenceuse fortunée. Le téléphone greffé à la main, Liane lit les commentaires des réseaux sociaux qui à l’écran ont des allures de saintes écritures. Il est beaucoup question de personne élue et de foi dans Diamant brut, et dans ce décor très trivial (un endroit banal, une vie familiale terne, un rêve,…). Elle est bouleversante dans sa détermination à se faire une place dans le game, à vouloir à ce point être aimé, compter pour l’autre. Sa rage est folle, son corps s’expose.
Dans Diamant brut, nous suivons constamment Liane du côté de sa souffrance. Sa douleur est palpable, elle le marque sur sa peau. L’abandon, la précarité, le manque de transmission d’un socle psycho-affectif et culturel irrigue le film. On voit une lutte des classes, avec inaccessibilité au beau et à l’art, qui décline une immédiateté instinctive, vulgaire et irréfléchie.
L’influence d’une mère pourtant absente, volage et qui ne fait pas grand chose de ses journées, et celle des conseillers sociaux qui veulent l’enfermer dans une existence vouée à l’échec. Mais aussi l’influence des hommes : vierge et croyante, Liane veut autant fuir le regard lubrique de certains que la monotonie de la vie de couple où elle ne se sent que le subalterne de l’autre.
Récit d’émancipation dans tous les sens du terme, Diamant brut repose en grande partie sur l’énergie et le charisme de son interprète qui rend son personnage aussi exaspérant qu’empathique. Ce qui intéresse la réalisatrice, c’est de la voir maintenir son désir de succès ou rien, ne la fasse dévier de sa trajectoire.
Ce film permet à Agathe Riedinger de faire le portrait d’une jeune fille, d’un milieu social défavorisé et par moments d’une génération. Le monde de Liane est celui des faux cils, faux ongles, extensions capillaires, lèvres gonflées, seins augmentés, où l’essentiel passe par les réseaux sociaux et les conseils des influenceuses. Le film montre tout en détail, avec une précision hyper réaliste. Le regard posé sur cet univers est à la fois empathique et critique.
La réalisatrice se tient au plus près de son héroïne, partage ses espoirs et ses émotions violentes, mais condamne aussi, à bien des égards, ce à quoi elle croit et aspire. La réussite d’Agathe Riedinger est de traiter sans condescendance l’obsession de Liane et de retranscrire le feu qui anime son héroïne.
Philippe Cabrol
#analysedefilms #influenceurs