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Le Septième sceau

La quête du sens

Fiche technique :

Film suédois ; Réalisation et scénario : Ingmar Bergman

Interprètes: Max von Sydow, Gunnar Björnstrand, Bengt Ekerot, Bibi Andersson

Durée : 1h36 ; Genre : Drame métaphysique ; Date de sortie :1957

Prix : Prix spécial du jury à Cannes en 1957

Le Septième sceau est un chef d’œuvre qui a marqué le cinéma des années cinquante et le cinéma tout court. Son réalisateur, grand connaisseur de l’âme humaine, s’intéresse à des questions essentielles et universelles. Le Septième Sceau est une œuvre typiquement bergmanienne. Son titre provient du verset 1 du chapitre 8 du livre de l’Apocalypse, le dernier du Nouveau Testament. Le Christ y ouvre « le septième sceau » du livre qui renferme les desseins divins et en inaugure la révélation : « Et lorsque l’Agneau (le Christ) ouvrit le septième sceau, il se fit dans le ciel un silence d’environ une demi-heure ».

Cette demi-heure de silence inaugure l’histoire du héros, le chevalier Antonius Block. De retour d’une croisade, le chevalier espère un signe de Dieu, alors qu’il traverse, avec son écuyer Jöns, une Suède ravagée par la peste. Sur une grève déserte, il rencontre le personnage blafard de la Mort, qui le convoque aussitôt. Block la défie aux échecs pour différer le moment fatal et résoudre les questions qu’il se pose sur le sens de l’existence et sur la mort. Le chevalier croise alors des comédiens ambulants : Jof le bateleur, sa femme Mia, leur bébé Mickaël et le jongleur Skat. Tandis que l’épidémie fait rage, les baladins abordent la vie avec une candeur émerveillée. Dans une église de campagne, le chevalier se confesse à un personnage qui n’est autre que la Mort, tandis que Jöns regarde un peintre travailler à la représentation d’une danse macabre.

Poursuivant leur route, ils arrivent dans un village déserté par ses habitants. Au moment où Jof se produit sur les tréteaux, débouche une procession de flagellants chantant le Dies Irae. Puis le chevalier et Jöns avec une jeune fille muette qu’il a sauvée, rejoignent la roulotte de Jof et de Mia. Tous partagent alors un moment de bonheur simple et profond. Block a bientôt l’occasion d’interroger une jeune sorcière vouée au bûcher, mais il ne trouve dans ses yeux qu’épouvante et désarroi. Il doit reprendre sa partie d’échecs. Pour sauver Jof et sa famille, le chevalier détourne l’attention de la Mort en renversant l’échiquier. Escorté de ses compagnons, il arrive au château où Karin, sa femme, les attend. Au matin, Jof aperçoit la Mort qui emmène Block et les siens sur la colline. Mais le comédien a déjà entraîné sa troupe vers d’autres visions.

Le chevalier, son écuyer, la Mort et les bateleurs

Le chevalier Block est un esprit philosophe et pessimiste. Ce Don Quichotte grave et tourmenté avance à tâtons dans un chaos moral et spirituel. Il tente d’instaurer une complicité avec la Mort en jouant avec elle. Avant de mourir, il veut accomplir au moins une bonne action. Le délai que le chevalier a demandé à la Mort lui permet de sauver les bateleurs. Cet acte donne à sa vie un sens nouveau qu’il n’avait pas trouvé en Terre sainte.

Jöns, son écuyer, est une sorte d’existentialiste athée, qui ne croit en rien de céleste. Sceptique et désabusé, il s’écrie : « Aucun homme moderne ne gobera ça. ». Jöns partage avec Sancho Panza une puissante lucidité, qu’il alimente de sarcasmes. Il ne sombre pourtant jamais dans un cynisme intégral puisqu’il se conduit avec vertu en sauvant une belle innocente.

La Mort suit toujours le même chemin que les héros. C’est un personnage masculin, alors que « la Faucheuse » est ordinairement un personnage féminin.Elle s’incarne de façon forte et frappante à travers une statue vivante, drapée dans un linceul noir d’où n’émerge qu’un masque exsangue. Bergman donne une présence à ce qui est l’absence même.

Jof et Mia sont les diminutifs de Joseph et Marie, dont le cinéaste a dit qu’ils les figuraient. Le choix de Bergman se porte sur des comédiens pour incarner la vertu et le salut. Les bateleurs représentent la vie dans ce qu’elle a de simple, de primitif, de pur. Ils sont bons, généreux et désarmés devant la haine et la barbarie. Les dernières images du film sont pour le jeune couple, dont la foi et la confiance un peu immatures sont pourtant proches de l’Évangile.

Quête de Dieu, mort et bonheur

Bergman n’y va pas de main morte. Ses dialogues conduisent le spectateur, de gré ou de force, à l’introspection.

Le chevalier poursuit une quête explicitement métaphysique. Il est en crise existentielle. Il peine à entrer en contact avec Dieu et avec les hommes. « J’ai fâcheuse compagnie ». « Avec qui ? » « Avec moi-même. » dit-il. De retour d’un voyage dont on devine l’âpreté, voire l’horreur, il est tiraillé entre sa foi et sa lassitude. « Pourquoi ne puis-je tuer Dieu en moi ? Pourquoi continue-t-Il de vivre de façon douloureuse et avilissante ? », se demande Block.

Le chevalier ne veut pas croire, il veut savoir. C’est la connaissance de Dieu qu’il cherche. « Est-il si impossible de comprendre Dieu avec ses sens ? » demande-t-il. Il appelle Dieu et ne rencontre que le silence.

La mort est la seule certitude. C’est le néant qui épouvante surtout le chevalier. Il cherche un palliatif à ce vide qui le suffoque. Il cherche une foi consciente, à la mesure de l’homme réel. C’est pour cette raison qu’il s’est mis en tête de converser avec la mort. Mais la Mort, interrogée, ne sait rien.

La rencontre avec les bateleurs agit comme une révélation, un signe, une grande joie pour Block, qui n’a peut-être jamais cherché du sens où il le fallait. « Croire fait souffrir. C’est comme un amour auquel il n’est jamais répondu » dit-il, pour s’entend répondre : « Mange des fraises ». De cette scène idyllique -le partage du lait et des fraises- émanent la douceur et la paix. « Je veux garder ce souvenir avec moi. Ce sera un signe pour moi et ce sera une joie.». La partie d’échecs lui paraît futile à côté de ce moment de bonheur simple mais intense, qui apporte une réponse imprévue à sa quête.

Un monument de cinéma

Pour les besoins de son récit, Bergman a pris des libertés avec la vérité historique en faisant coïncider des évènements non concomitants : les croisades, la grande peste noire et les procès de sorcières. L’intention du cinéaste était de traduire l’atmosphère d’un Moyen-Âge en proie aux délires millénaristes, fasciné par la question de la mort. Certaines scènes sont passées à la postérité, comme la partie d’échecs entre la Mort et le chevalier, une des plus parodiées de l’histoire du cinéma, ou la danse macabre finale au sommet d’une colline.

Les images du Septième sceau sont d’une splendeur sidérante, ses tableaux d’une grandiose beauté : ainsi, à l’ouverture du film, ces chevaux au bord de la mer et cet aigle de l’Apocalypse, tournoyant entre ciel et mer, qui évoque la Genèse. Le réalisateur suédois démontre toute sa maîtrise de la lumière. Le noir n’est jamais tout à fait noir, ni le blanc tout à fait blanc.Chaque plan ajuste magistralement l’ombre et la lumière. Tandis que la procession ou la danse macabre évoluent dans des tons obscurs,la famille de Jof apparaît toujours dans des tonalités claires,

Cette inépuisable allégorie oscille entre le dramatique, le burlesque et le fantastique.La force du film, poème philosophique en images, vient de la quête existentielle que Bergman donne à voir. L’odyssée de Block est l’itinéraire de la vie, depuis les eaux matricielles de la mer jusqu’au château-tombeau. Ce chevalier errant, qui questionne sans trêve la société, ses semblables et Dieu, assume la quête de l’humanité.

Pistes de réflexion

1. Le cinéaste s’identifie au chevalier tourmenté. Le chevalier et l’écuyer pourraient-ils êtreaussi les deux versants d’un même personnage ?

2. « Je veux savoir, pas croire[….] Je veux que Dieu me tende la main, qu’Il me dévoile son visage et qu’Il me parle. » dit le chevalier. Sur quoi porte essentiellement la quête du chevalier ?

3. Ce n’est pas le savoir qui sauve, c’est la relation d’amour. Cette conviction est au cœur du christianisme. Par quel détour le chevalier y arrive-t-il ?

4. Comment Bergman met-il en scène l’incroyance, le doute et la foi ?

5. Pour Antonius Block, le désespoir n’est pas négatif : il fait partie de la quête et du cheminement. « Je ne cesserai jamais de questionner », dit-il. En quoi ressemblons-nous au chevalier ?

Anne-Cécile Antoni

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