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L’Olivier

À la recherche de l’arbre perdu

Fiche technique :

Film espagnol ; Réalisation : Icíar Bollaín ; Scénario : Paul Laverty

Interprètes: Anna Castillo, Javier Guttiérez, Pep Ambrós

Durée : 1h40 ; Genre : conte humaniste ; Date de sortie : 2016 

Alma, impulsive et farceuse, a vingt ans. Elle vit en terre espagnole, près de Valence, dans l’exploitation agricole de sa famille, et chérit son grand-père. Le vieil homme s’est enfermé dans le silence et dépérit : ses enfants ont vendu, contre sa volonté, un olivier bimillénaire de la propriété. La jeune fille retrouve sur le net la trace de l’arbre ancestral. Il trône à Düsseldorf dans le hall d’une multinationale dont il est devenu l’emblème. Alma veut sauver son grand-père et décide, intrépide, d’aller chercher l’arbre et de le rapatrier. Afin d’entraîner son oncle et son soupirant dans cette entreprise chimérique, elle invente un mensonge. Pour rejoindre la ville allemande, distante de1659 Km, le trio traverse l’Europe en semi-remorque, transportant à tout hasard une copie volée de la statue de la Liberté.

La jeune fille, une digital native, médiatise son action sur les réseaux sociaux. Son aventure téméraire et idéaliste convainc un groupe d’activistes allemands. Parvenus à Düsseldorf, les voyageurs entrevoient enfin l’olivier ancestral, majestueusement transplanté dans le hall de la multinationale. Mais le projet de rapt de l’arbre est contrecarré par le personnel de sécurité de l’entreprise. Alors que le trio démoralisé se dispute, des militants altermondialistes et écologistes surgissent et manifestent bruyamment. La presse accourt. Les manifestants se faufilent dans le hall. La confusion générale permet à Alma de récupérer une branche de l’olivier pour fabriquer une bouture. Encore juchée sur l’olivier, elle apprend la mort de son grand-père. Alma, son oncle et son fiancé regagnent l’Espagne. « Rendez-vous dans deux mille ans. J’espère que, d’ici là, on aura fait mieux » conclut Alma en plantant un nouvel olivier à l’endroit où la souche du précédent avait été déracinée.

Une pasionaria et son grand-père

Le film contient une critique sociale, empreinte d’une grande tendresse envers les personnages. La protagoniste est suffisamment lumineuse et dynamique pour susciter une empathie immédiate.

Avec ses cheveux rasés sur les côtés et sa moto, Alma mène une vie atypique dans la propriété agricole familiale. Débordante d’affection, volontaire, pleine de vitalité, elle ne s’en laisse pas conter. Pour parvenir à ses fins, elle fait équipe avec son oncle, durement touché par la crise, son ami Rafa et le village tout entier. La jeune fille est une force de la nature, capable d’inverser les courants. Elle porte l’énergie et la colère de la jeunesse de Podemos. Mais elle n’est pas encartée. Elle milite seulement contre l’hypocrisie d’une entreprise qui, pour vanter les mérites de l’énergie, n’a aucun scrupule à déraciner un arbre. Elle mène avec une certaine naïveté un combat qui lui semble juste. Si elle agit, c’est d’abord par amour, parce qu’elle refuse de voir son grand-père se laisser mourir de chagrin. Dans un monde qui se délite, Ramón, le grand-père, incarne la sagesse et la confiance. Les parents d’Alma l’ont poussé à vendre son olivier. Il ne s’en remet pas. Ce déracinement douloureux lui a fait perdre la parole et l’envie de vivre.

La vie, la terre, la paix : la triple quête d’Alma

La relation forte qui structure le film est celle qui unit Alma à son aïeul, qu’elle veut passionnément maintenir en vie. L’héroïne ne se résout pas à la perte de son grand-père, son repère, dont elle lie la destinée à celle de l’olivier du domaine. « Il est en deuil, c’est tout », dit la jeune fille à propos de son grand-père dont l’arbre a été déraciné.

« L’olivier est sacré : cet arbre, c’est ma vie » dit Ramón. Quand celui-ci explique à Alma que son olivier était là bien avant eux et qu’il le sera aussi bien après, il rappelle une évidence qui résonne de façon très contemporaine. Le patriarche a transmis à sa petite-fille l’amour inconditionnel de la terre. Alma, en grandissant, n’a pas perdu pas le contact avec la nature. Le film accentue le contraste entre cette nature, incarnée par l’olivier multiséculaire, et la multinationale qui l’a érigé en symbole marketing du développement durable et placé dans une cage de verre.

L’olivier, arbre emblématique de la Méditerranée, symbolise la paix et l’espoir du renouveau. À la fin du film, la famille s’est réconciliée. C’est Alma qui a reconstruit les liens familiaux et refait la paix entre les générations.

La quête de l’olivier a tout d’une métaphore. Avec ses racines plongeant profondément dans le sol, l’arbre incarne à lui tout seul la vie, la nature et la réconciliation.

Générations, solidarité et Europe

Le duo grand-père/petite-fille symbolise le passage du passé au futur et la transmission des valeurs des plus âgés aux plus jeunes. La description des relations entre la nouvelle et l’ancienne génération n’est pas si fréquente à l’écran. Ce tableau est pourtant symptomatique d’une époque où, crise oblige, les liens familiaux se resserrent. Alma a hérité d’un pays déchiré entre tradition et modernité etfrappé par les dérèglements que la crise économique a provoqués en Espagne à partir de 2008.

L’Olivier met en scène une jeunesse qui veut réparer le monde et refuse de baisser les bras. Si le film promeut le courage, il est aussi une ode à la solidarité. Il raconte l’entraide entre les membres d’une famille et entre jeunes écologistes d’Europe, qui partagent les mêmes aspirations et parlent le même langage. Le film, où l’on entend quatre langues, est pleinement européen : une réalisatrice espagnole, un scénariste anglais -Paul Laverty, le préféré de Ken Loach-, un tournage en Espagne, en France et en Allemagne.

L’Olivier rend un bel hommage aux paysages ruraux du Bajo Maestrazgo, au nord-est de Valence. La cinéaste madrilène Icíar Bollaín y adopteune esthétique réaliste et un ton revigorant. Dans ce film qui assume pleinement la naïveté et l’optimisme de son propos, le spectateur puise de quoi réenchanter le monde. L’épopée européenne d’Alma conjugue ainsi la gravité d’un manifeste écologiste et le tonus d’une fable humaniste.

Pistes pédagogiques

  1. Que vous inspire la personnalité d’Alma ?
  2. Comment le motif de la recherche de l’olivier condense-t-il les différentes quêtes d’Alma ?
  3. Le film vous paraît-il engagé, voire militant ?
  4. Quel rôle y jouent les réseaux sociaux ?
  5. Que ce film vous suggère-t-il sur la jeunesse européenne et sur l’Europe, entre Sud et Nord ?

Anne-Cécile Antoni

https://chretiensetcultures.fr